Il y a quelque 2000 ans une star du Moyen Orient clamait haut et fort « Aime ton prochain comme toi-même ». Les valeurs porteuses d’amour et d’accueil, au delà des différences ou des ressemblances, ne sont-elles pas le fondement de notre civilisation européenne ? Mais qui est mon prochain ? Spinoza nous dit que c’est ce qu’il y a de plus utile à l’homme !
Par Diane Drory, psychanalyste
Pour y voir plus clair, reprenons la parabole du Bon Samaritain. Celle-ci met en scène un voyageur, attaqué et laissé pour mort par des bandits. Un prêtre et un lévite, tous deux juifs, représentant l’orthodoxie religieuse de l’époque, passent à côté du mourant et ne s’en préoccupent pas. Or un samaritain, représentant d’une population que les Juifs tiennent pour impie se montre capable de compassion envers cet inconnu, grièvement blessé, qui n’est pas de sa religion. Ce samaritain donnera du temps, prodiguera des soins et donnera de son argent pour sauver le malheureux.
La tradition s’est contentée de trouver dans cette parabole un exemple de bon comportement. Dans le Petit Robert, on lit faire le bon samaritain : être secourable, charitable. Ainsi une lecture trop rapide de la parabole laisse à penser que le prochain est l’homme dépouillé et laissé à demi-mort. Tel n’est pas le cas. Lisons le texte avec attention : « Le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands… » Le prochain serait celui qui tire le mourant dépouillé en dehors du fossé et paie pour son hébergement, à savoir le samaritain ! Le génie de la parabole se termine par le simple « Va, et toi aussi fais de même ». De même que qui ? Le pauvre hère ou le samaritain ? En fait, les deux. Chacun est le pauvre hère de quelqu’un et le bon samaritain d’un autre. C’est la chaîne d’union, la roue de la vie. Il suffit de, il faut, vouloir le reconnaître et l’accepter.
Evoquons la réflexion de Levinas sur le rôle de l’Autre en tant que révélateur de moi-même. « Seul l’Autre voit notre dos et nous le fait connaître. Sans l’Autre, nous ne sommes qu’une fraction de ce que nous pouvons être ou devenir. »
Alors que penser de nos réactions face à l’arrivée massive de migrants ? Croyons-nous vraiment que tous ces réfugiés soient des personnes sans éducation, ni savoir-faire qui n’apporteraient rien à l’économie européenne et ne seraient que des épines à nos pieds voire des clous de nos cercueils ? Faut-il miser sur quelqu’un en fonction du profit ou non que l’on peut en tirer ? Et si c’était le cas, sait-on seulement toutes les connaissances, toutes les richesses, toutes les expériences, tous les courages que représentent ces personnes venues d’ailleurs ? Notre société de surproduction et de surconsommation, souvent pervertie par la cupidité et l’absence totale de compassion, périra par son cynisme si elle n’intègre pas très rapidement la conscience de la fraternité entre tous les êtres humains.
Maintenant il vous appartient de décider : le poing serré ou la main tendue ?