Depuis quelques mois, une nouvelle collaboration prend forme pour répondre au besoin croissant des organisations et des travailleurs d’être épaulés face au burn out. Le service externe de prévention SPMT-Arista et la société de coaching et de formation BAO Group ont décidé de joindre leurs forces pour apporter une réponse complète et holistique à la réalité du marché du travail belge en matière de bien-être au travail et de prévention des risques psycho-sociaux. Rencontre entre Nicolas Bodson, Administrateur-Délégué de SPMT-ARISTA, le Dr Philippe NYSTEN, Directeur médical de SPMT-ARISTA, et Pierre Lucas, senior coach et administrateur du BAO Group.
Propos recueillis par Fabienne Doyen
Quelle est la réalité du burn out en Belgique ?
Nicolas Bodson : Selon l’OMS, les problèmes de santé mentale constitueront le deuxième motif d’absence au travail en 2020. Et en Belgique déjà, d’après les chiffres de l’INAMI, les troubles psychiques représentent plus d’un tiers des cas d’invalidité (c’est-à-dire d’incapacité de travail de plus d’un an) et forment ainsi la première cause d’invalidité professionnelle. Les risques psychosociaux sont donc devenus un mal dominant dans notre société. Le législateur ne s’y est pas trompé en introduisant un texte en vigueur depuis le 1er septembre 2014, qui accorde une importance fondamentale à la prévention de tous ces risques, y compris ceux pouvant mener au burn out. On ne parle donc plus uniquement de violence ou de harcèlement, on parle de tous les risques psychosociaux, lesquels se traduisent par des problèmes de santé souvent graves pour les travailleurs et un absentéisme important pour les employeurs.
Pierre Lucas : Depuis près de quinze ans, nos coachs accompagnent les entreprises et organisations aussi bien dans le secteur marchand que le non marchand. Nous constatons ces dernières années un accroissement net du mal-être chez les travailleurs, toutes catégories confondues. Depuis quelques années, le problème touche aussi de plein fouet les échelons les plus élevés de la hiérarchie. Le burn-out cache selon nous un réel problème de société. Chacun est concerné : l’individu, au premier plan, doit prendre conscience de son mode de fonctionnement souvent inadapté en cette période de guerre économique dont l’issue risque d’être fatale … pour tous les protagonistes. Ceci est valable aussi bien pour les dirigeants que les dirigés ! Inutile de chercher un coupable : les responsabilités sont partagées. Chacun peut agir, à la place qu’il occupe.
À quoi sert un service externe de prévention face au burn out?
N.B. : Notre métier est la prévention des risques professionnels. Nos services étaient, à l’origine, uniquement constitués de médecins. Puis des conseillers en prévention techniques, pour la plupart des ingénieurs, se sont intégrés dans nos structures. Leur action conjointe et soutenue s’est traduite par une diminution continue et importante des maladies professionnelles et des accidents de travail dans les entreprises, ces 60 dernières années. Depuis 2002, les psychologues ont intégré les services de prévention et de protection. Leur action, jusqu’ici, s’est principalement concentrée sur la lutte contre la violence et le harcèlement sexuel et moral au sein des entreprises. Aujourd’hui, les problématiques psycho-sociales – notamment celles liées au stress – sont au centre de notre travail.
Et le coaching dans tout ça ? En quoi cela peut être une solution ?
P.L. : Je dirais d’abord qu’il y a « coaching » et « Coaching ». Hormis les structures internationales d’encadrement du métier, comme l’International Coaching Federation, il n’existe pas vraiment de cadre légal ou assimilé pour définir l’approche et son contenu. Beaucoup d’acteurs empruntent dès lors cette étiquette sur le marché et, par leurs pratiques, renforcent potentiellement le stress et les risques de burn-out. Il faut donc clairement distinguer coaching de performance (encore plus, encore mieux, encore plus vite …) et Coaching d’alignement ou de bien-être, qui entraîne aussi un meilleur rendement mais à la condition que le coaché y trouve pleinement son compte. Car bien-être et performance peuvent aller de pair, mais à la condition de mieux connaître ses moteurs inconscients. Au fond, le coaching professionnel n’est pas si éloigné de certaines formes de psychothérapie à ceci près qu’il est attaché à l’atteinte d’objectifs écologiques pour la personne et son système.
Pourquoi cette nouvelle collaboration ?
N.B. : Vous l’aurez compris, l’un des principaux défis pour SPMT-ARISTA, comme pour les autres Services Externes de Prévention et de Protection au Travail, est donc de concentrer son action vers les problématiques psycho-sociales rencontrées par les travailleurs au sein des entreprises. Ce défi est gigantesque et passe par toute une série d’actions. C’est la raison pour laquelle SPMT-ARISTA et le BAO Group ont décidé d’unir leurs savoir-faire et de travailler de concert pour apporter la réponse la plus complète et adéquate possible aux réalités rencontrées par les entreprises.
P.N. : Le savoir-faire de nos spécialistes en matière de prévention et de dépistage du burn out est relativement important mais, de par nos missions légales, ce savoir-faire se limite à deux volets de la problématique : dépistage et prévention. La fourniture d’un service complet et de qualité à nos affiliés nécessite donc de passer par un partenariat avec une organisation comme le BAO Group pour les autres aspects de la problématique.
P.L. : Un coach n’est pas et ne sera jamais un médecin. Ce n’est pas à lui de diagnostiquer le burn-out, la dépression ou tout autre déséquilibre pathologique. Encore moins d’indiquer un quelconque traitement médical, parfois indispensable pour permettre à la personne de revenir sur les rails. Le coach s’attaquera aux causes profondes du problème (éducation, enfance, intergénérationnel) liées à la perception qu’a l’individu de ses relations (avec la hiérarchie, ses collègues…). Et ce pour lui permettre de prendre la juste distance et donc la bonne posture face aux défis qui s’imposent à lui (relationnels ou autres). Les deux approches, médicale et coaching, sont fondamentalement complémentaires.
Quel accompagnement proposez-vous concrètement ?
P.N. : Nos interventions passent par 4 axes principaux : le dépistage, la recherche et l’analyse des facteurs de risque, la formation des dirigeants et des travailleurs et l’accompagnement individuel des personnes souffrant (ou ayant souffert) de burn out.
P.L. : Dans ces différentes phases, nous proposons plusieurs types d’accompagnement. Cela va du coaching individuel (prise de conscience de la personne de sa façon d’appréhender – et donc d’influencer – sa réalité) au coaching d’équipes (travail sur les relations, les conflits …). Sans oublier les formations collectives donnant aux participants – de façon préventive – les outils appropriés pour mieux faire face aux difficultés et au stress qui règnent en maîtres dans un monde concurrentiel. Ce monde qui demande aujourd’hui une adaptation quasi permanente aux personnes, quelque soit leur place dans l’entreprise.
En quoi consiste le dépistage ?
P.N. : Lors des consultations individuelles chez le médecin du travail, le dépistage est réalisé avec l’aide d’un questionnaire spécifique et innovant qui a été développé en collaboration avec l’Université de Liège. D’éventuels signes avant-coureurs de burn out peuvent y être mis en évidence et amener le médecin du travail à prodiguer certains conseils ou à accompagner le travailleur en difficulté pour le relayer vers un accompagnement adéquat, par un coach professionnel par exemple. Ces consultations permettent par ailleurs de faire part de certaines techniques simples qui peuvent être adoptées par les travailleurs pour prévenir le burn out : la nécessité d’avoir d’autres centres d’intérêt que le travail, de peut-être revoir son échelle de priorités (travail, famille, loisirs, amis, ascension sociale, équilibre veille-sommeil, …), d’être à l’écoute de soi et de son corps, de ne pas hésiter à se faire plaisir régulièrement, d’apprendre à connaître ses limites et le cas échéant à dire non,… Techniques qui peuvent être mises en place avec l’aide d’un coach si nécessaire.
Pourquoi faire une analyse de risques ?
P.N. : L’analyse de risques psychosociaux, rendue obligatoire en 2007, est un outil essentiel dans la problématique du burn out. Elle consiste en la recherche et l’analyse des facteurs de risques dans le milieu de travail. Il s’agit de la réalisation d’une photographie globale à un moment du climat de travail et du fonctionnement de l’entreprise. Par ce biais, d’éventuels facteurs favorisant le burn out peuvent être mis en évidence et des mesures de prévention peuvent être suggérées comme, par exemple de mener une réflexion sur l’organigramme et de clarifier les rôles et missions de chacun, ce qui permet ensuite de fixer des objectifs réalistes, de lister des tâches prioritaires, etc. Ce peut être aussi de revoir les exigences professionnelles, en réduisant la charge de travail, en instaurant des changements dans les procédures de travail, en offrant un soutien administratif ou logistique, en répartissant équitablement le travail, etc. Ou, encore, de favoriser la participation des collaborateurs à la prise de décision, d’établir des procédures managériales de gestion des conflits, d’améliorer la communication dans les 2 sens entre hiérarchie et travailleurs et de valoriser et reconnaître le travail de chacun.
P.L. : Le style de management et de leadership, s’il n’est pas le seul responsable, est quand même un facteur fondamental : la responsabilité des dirigeants et des responsables de ressources humaines est évidente. Dans une même entreprise, certains services sont à risque, par exemple du fait que le responsable exerce un leadership que l’on pourrait aujourd’hui qualifier d’ «archaïque». L’humain de 2015 ne se gère pas de la même façon que celui d’il y a à peine 10 ans. Les entreprises qui n’ont pas pris la mesure de ce phénomène vont droit vers la faillite de leur structure. C’est une faute grave pour un dirigeant (et ses actionnaires) de se concentrer exclusivement sur les chiffres et autres tableaux de bord. Elle est révolue, l’époque où les dirigeants faisaient tourner leurs entreprises avec des machines et des ordinateurs, sans investir, de la bonne façon, dans le capital humain. Chez BAO, nous disposons d’outils de diagnostic permettant d’identifier les endroits de l’entreprise où le risque de stress est accru par des pratiques managériales inappropriées. L’outil donne également des pistes de solutions concrètes, en matière de formation par exemple.
Et l’axe de la formation, à quels aspects du burn out répond-il ?
P.L. : Plusieurs programmes de formation ont été mis au point, en collaboration avec des spécialistes du burn-out. Ces programmes sont établis sur mesure, répondant aux besoins spécifiques de chaque entreprise. Ils tiennent compte des acquis provenant de trajets de formations éventuellement déjà suivis par le personnel. Les liens avec la prévention du burn-out sont faits systématiquement pour tous les cas de figure. Ces programmes visent aussi bien la ligne hiérarchique que les travailleurs. Près de 50 modules spécifiques peuvent être proposés.
Que proposez-vous en termes d’accompagnement individuel ?
P.N. : Il s’agit d’actions plus ciblées sur des managers ou des travailleurs dépistés en burn out, ou sur des travailleurs reprenant le travail après avoir souffert d’un burn out. Dans ce dernier cas le rôle du Médecin du Travail est fondamental au moment du retour au travail. Il peut participer à la préparation de cette réintégration lors d’examens de pré-reprises de travail et accompagner la réintégration qui sera parfois progressive, à temps partiel ou avec une adaptation de la charge de travail confiée.
P.L. : La plupart du temps nous proposons un accompagnement individuel s’étalant sur six mois. Dix à quinze heures de coaching suffisent, dans la majorité des cas, pour obtenir des résultats palpables et visibles par tout l’entourage (professionnel et privé). Nous proposons également des formules « semi-individuelles » : dans ce cas, nous accompagnons des petits groupes (4 à 6 personnes) concernés par une thématique spécifique (par exemple perfectionnisme exagéré, peur du conflit …) et l’accompagnement individuel se fait à l’intérieur du groupe qui bénéficie de l’avancée de chacun. Cette approche est puissante et permet un rendement sur investissement élevé et rapide.