Ils sont très agressifs et maintenant que ma femme a arrêté de travailler, la situation est intenable car elle ne se sent plus chez elle à la maison. Ils ne mangent pas avec nous et restent le plus souvent terrés dans leur chambre. Nous recevons une liste pour leurs courses de nourriture… Nous nous rendons bien compte que cette situation n’est pas idéale mais on ne peut quand même pas mettre notre fils à la porte.
Henri, 55 ans et Marie, 53 ans
Chers parents, comment donc en êtes-vous arrivés là ? Comment donc acceptez-vous chez vous ce second couple qui, en effet, occupe votre intimité, et vit en adolescents si ce n’est qu’ils sont adultes depuis des années maintenant. «Il vit toujours chez nous. » En effet, sera-t-il tous les jours chez vous et ce jusque quand ? Je suis frappée, Marie et Henri, par votre mail si paradoxal. Vous vous inquiétez que votre fils ne sorte pas ou peu mais vous lui évitez de sortir en réalisant ses courses. Vous lui évitez de sortir, de payer, de se déplacer avec les sacs peut-être lourds et pesants, mais aussi de choisir avec joie une nouvelle idée dans un rayon… Pourquoi donc être de la sorte à son service et par là même, contribuer à son immobilité ? Quelles peines -somme toute assez quotidiennes- lui évitez-vous encore ? À vous lire, il ne s’inquiète pas de payer un loyer, de mettre du mazout dans la chaudière, de remplir le frigo. Est-ce vous aussi qui lavez son linge, le repassez, faites la vaisselle ? Que s’est-il donc passé pour vous en tant que couple de parents face à cet enfant pour qu’aujourd’hui encore vous le protégiez de la sorte du monde extérieur tout en vous étonnant qu’il ne sorte guère ? Tout semble s’être passé comme si vous lui aviez épargné de faire face au monde, par de multiples comportements, probablement empreints de bienveillance. Pourtant vous l’avez également, par là même, gardé auprès de vous, enfermé peut-être dans une sécurité devenue mortifère. Si cette situation vous déplaît aujourd’hui, ce qui est rassurant, pour vous et pour lui, qu’est-ce donc qui vous empêche de « le mettre dehors » comme vous dites ? Lorsque vous mettez un enfant au monde, vous le mettez hors du ventre maternel, ce qui en fait, ne se fait pas en un jour. Et voilà que votre fils, arrivé à l’âge adulte et disposant d’une formation qui lui permettrait d’exercer un travail, se retrouve enfermé chez ses parents, avec une copine à domicile de surcroît… Pourquoi donc ne pas le mettre au monde une seconde fois, Marie ? Pourquoi donc lui éviter, et vous éviter peut-être aussi ces « douleurs de l’enfantement », qui bien sûr, s’étendent au-delà de la naissance ? Véritables ferments de vie, ces coupures douloureuses demeurent cruciales ! L’agressivité de votre fils m’évoque les coups de pieds du tout petit à l’étroit dans le ventre de sa mère qui voudrait naître mais ne sait comment…
À vous de l’assister. Pour cela, il vous faudra vous ouvrir, cesser de le couvrir, et l’aider à sortir… Plutôt qu’à rester.
Par Vanessa Greindl, psychanalyste