Je suis quelque peu gêné de vous proposer ce qui ressemble trop à un scénario caricatural et désuet de la sexualité conjugale, mais ce schéma n’est pas aussi ringard que ce qu’aimeraient croire certains sociologues du couple post-moderne. Monsieur a toujours envie et Madame a souvent des maux de tête ou un panier de repassage en retard ! Le plus souvent, c’est lui qui se plaint et qui veut que ça change : donnons-lui donc la parole en primeur. « Je n’ai pas changé. J’ai toujours le même désir pour elle. Pour moi, la sexualité c’est très important même si, je suis d’accord, il n’y a pas que cela qui compte dans le couple. Au début de notre relation, elle était toujours enthousiaste, elle était même souvent demandeuse, et nous avons connu de très bons moments ensemble. Elle a beaucoup changé. Maintenant, elle est toujours fatiguée, elle a souvent des petits soucis de santé, elle a toujours un prétexte pour ne pas monter dormir en même temps que moi. Elle n’a presque plus jamais envie. D’accord, elle ne peut pas se forcer, mais moi j’ai des besoins ! J’en fais quoi ? Elle dit que je ne pense qu’à ça, mais forcément plus je suis frustré et plus j’y pense. Parfois, elle accepte, mais je sens bien que c’est pour avoir la paix, elle ne vibre plus comme avant. Est-ce qu’elle m’aime encore ?  Est-ce qu’il y a quelqu’un d’autre dans sa vie ?  Au secours. Je ne comprends pas, je suis triste, frustré, fâché… »

Que répond Madame ? « Il est vrai que je me demande parfois si je ne suis pas tombée sur un obsédé. Il doit se faire soigner. La sexualité est importante, mais il n’y a pas que ça dans la vie. Au début de notre relation, bien sûr, on se retrouvait surtout pour faire l’amour, mais maintenant il y a le reste, la vie, le travail, les amis, la famille. J’aime faire l’amour, mais pas tous les jours. Quand il m’approche, même quand il me regarde ou qu’il fait semblant de m’écouter, je vois bien qu’il ne pense qu’au sexe. Pour lui, je ne suis qu’une poupée qui dit rarement oui (il est content) et souvent non (il est fâché). Je ne me sens pas respectée en tant que personne. J’ai l’impression d’être un objet. »

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Bien ! On fait quoi ? On s’écoute, on échange, on abandonne les ‘’toujours’’, les ‘’jamais’’ et les projections sur l’autre de nos constructions mentales. On tente de voir ensemble ce qu’il y a derrière les sentiments et les émotions en éclairant leurs origines et leurs significations. Il s’inquiète de savoir si elle l’aime encore ? Cela pourrait-il signifier qu’il a besoin de la composante sexuelle pour être rassuré à ce niveau ? Peut-il apprendre à cesser de se voir lui-même comme un objet, celui de sa propre pulsion qu’il considère comme un besoin, afin de se présenter devant elle comme un sujet qui rencontre un autre sujet, avec son désir comme une faille et non comme un diktat ? Elle dit que l’amour ce n’est pas que le sexe, mais aussi tout le reste ? De quoi parle-t-elle ? Peut-elle s’intéresser à ce que peut signifier ce ‘’reste’’ pour lui ? Quels sont ses rêves à lui, ses projets à lui, ses désirs à lui, en dehors du sexe ? Est-il possible qu’il ne s’y sente pas rejoint et qu’il soit donc focalisé sur le sexe puisqu’il n’y a rien d’autre ? Aura-t-elle le courage de s’interroger sur le pouvoir du non dont elle dispose et des éventuels bénéfices secondaires qu’elle en retire ? Pourront-ils reconnaître et partager leurs fragilités comme leurs défaillances pour apprendre que c’est à la fois par elles qu’ils se blessent et qu’ils pourront se rejoindre ? Peut-être pas encore ce soir, mais l’avenir leur appartient.