Elle risque bien d’avoir pris un coup de vieux la métaphore de la carotte et du bâton. Qui de nous a récemment tenté de faire avancer son âne en hésitant entre l’attrait de la carotte et la menace du bâton ? La métaphore de l’arrosoir et du sécateur sera sans doute plus pertinente pour la majorité d’entre nous et je vous propose de l’utiliser à propos de nos relations affectives et sexuelles. Par Armand Lequeux

L’usage du sécateur est très tentant : il y a chez notre conjoint ou partenaire, à notre point de vue bien entendu, tant de rameaux inutiles, disgracieux ou gênants. La méthode est rapide, elle nous donne bonne conscience (c’est pour son bien !), mais elle est sans doute inefficace (ça repousse !) et certainement très douloureuse. Vous connaissez ? Vous avez déjà subi une telle tentative d’élagage ? Ça fait très mal et très longtemps ! Il ne s’agit pas ici de l’une ou l’autre remarque à propos d’habitudes ou de comportements qu’il est bien normal de devoir adapter à la vie commune, mais de critiques à propos d’attitudes profondes qui sont l’expression de notre être.

Mon humour en public te paraît ridicule ? Je ne m’intéresse jamais au fond des choses et tu me trouves superficiel ? Ma façon d’exprimer ma joie, mes peines et mes douleurs ne te convient pas ? Ma relation avec mes parents ne te paraît ni saine ni adulte ? Mon influence sur les enfants te semble négative ? Ma stratégie de séduction et le mode d’expression de mon désir te semblent inadéquats ? Je ne suis pas adapté au tempo de ton excitation ? Je ne suis pas en résonance avec tes vibrations ? Je ne te procure pas de plaisir au bon moment au bon endroit ? Oups ! Tu crois vraiment que je peux changer sans m’amputer d’une partie de mon être ? Je ne peux que me refermer sur moi-même avant de passer à l’attaque. Moi aussi, j’ai un sécateur. J’ai même une tronçonneuse !

À ce stade, il est urgent de se tourner vers l’arrosoir, c’est-à-dire vers les félicitations, les encouragements et les manifestations de gratitude. Ça sonne faux ? C’est de l’hypocrisie ? Non, c’est une autre façon d’aimer. Essayez, vous risquez d’y prendre goût. Là, quand tu as sorti cette blague devant les copains, j’ai bien vu que tu avais ton petit succès. La vie semble légère avec toi, j’apprends à ne pas me prendre la tête à tout propos. J’aime ta façon bien à toi de montrer que tu es triste ou heureux. La relation avec ton père et ta mère n’est pas facile, mais j’admire tout ce que tu fais pour rester proche et loyal envers eux. Les enfants ont de la chance de t’avoir. Tes contacts avec eux sont très différents des miens. Pour eux, nous ne sommes pas complémentaires, mais supplémentaires ! J’apprends à décoder tes signaux érotiques, j’entre dans un autre monde, celui de ton désir. Ta façon de m’exciter m’aide à découvrir une facette inattendue de ma sexualité. Merci. Je découvre un plaisir différent chaque fois, j’apprends, je grandis, je change et j’aime ça….

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Je change et j’aime ça ? Ce sera, si vous le permettez, la morale de cette histoire d’arroseur arrosé ! C’est en grandissant son conjoint que l’on grandit soi-même et qu’on lui permet d’aimer qui nous devenons. On ne change pas l’autre à coups de sécateur, mais avec de l’amour et de l’eau fraîche. Il y aura du travail dans les jardins cet été !