La vie en famille est difficile car mon père, dès qu’il rentre du travail, commence à boire et est souvent saoul. Ma vie sociale est très limitée. J’ai une passion pour le japonais et je l’apprends dans mes études. J’ai déjà passé 1 mois au Japon et j’ai l’intention d’y retourner, là, je peux être moi-même et je suis étonnamment plus sociable. Je me pose des questions à propos de ma mère. Comment va-t-elle vivre mon départ ? Cela m’inquiète. Joëlle, 19 ans.
Par Vanessa Greindl, psychanalyste
Chère Joëlle, merci pour votre question et bravo pour votre passion, enthousiasme et capacité à rebondir ! Personne ne sait comment réagira votre mère lors de votre départ. Pourtant, il s’agit de sa question, plus que de la vôtre, et il s’agira qu’elle puisse y faire face. Vous avez déjà, d’une certaine façon, répondu à votre propre question, rester ou quitter ? Votre réponse courageuse est honnête, vis-à-vis de vous, vis-à-vis d’elle. « Tu quitteras ton père et ta mère », indique, chez les peuples issus du Livre, la nécessité de partir, d’aller plus loin, de trouver son chemin hors de la maison où l’on a grandi. Cette presque « injonction », vous la retrouverez dans tous les textes fondateurs et au cœur de tant d’écrits à la base de tant de civilisations. Quitter pour grandir, quitter pour faire sa vie, quitter parce que ce n’est pas vous qui avez à prendre soin d’elle ou de lui, mais bien à faire face à votre propre destinée. Il arrive que s’occuper des autres semble plus difficile et généreux, vu de l’extérieur. Pourtant, cette attitude sera aussi plus confortable psychiquement, car elle évite de se pencher en vérité sur son élan, sa direction, son propre choix face à la vie. Vous ne tentez pas de faire cette économie-là, Joëlle. Juste avec vous et avec elle, vous vous imposez d’aller vers votre propre vie, vous acceptez d’être face à vous-même, ce qui pourrait avoir certaines répercussions…
Qui sait, peut-être votre mère aura-t-elle le courage de suivre son chemin ?
