Je ne suis bien que dans ma chambre et je joue à l’ordi à des jeux en réseau. Je viens de terminer ma rhétorique et je ne sais absolument pas quoi faire. Je vais rester à la maison… Benjamin, 21 ans

Par Vanessa Greindl, psychanalyste

Soit, Benjamin, si tu décides de vivre ta vie dans ta chambre avec des jeux en réseau, personne ne peut t’en empêcher, c’est ta vie et tu es majeur. Pourtant, il pourrait arriver que tes parents décident un jour de te confronter à la réalité, et à la vraie vie, qu’ils te mettent dehors, de ta chambre, de ton cocon, de ton petit nid de jeu et de chaleur où rien ne se passe de dangereux et où tout est sous contrôle pour t’aider à vivre vraiment et à t’envoler comme le font les petits de toutes les espèces, humaines et animales, et même végétales… Le chêne ne pousse pas à l’ombre que lui fait son père ou sa mère, un fraisier ne donnera pas de fruit si l’on ne coupe pas la tige le reliant à la plante qui lui a donné vie. Tu es de ce monde, Benjamin et tu n’échappes pas à la règle. Pour vivre libre, il te faudra grandir, ce qui suppose de quitter le nid de tes parents pour construire le tien. Comme dans un cocon, tu restes enfermé, à l’abri, tout seul avec l’illusion d’être en contact avec les autres, comme dans un rêve éveillé. Tu peux choisir d’y rester, de ne pas vivre ta vie et de la rêver, il importe cependant que tu saches aussi qu’un jour, si ce ne sont tes parents, la réalité, elle,  frappera à ta porte et te sortira de ta torpeur. Attendras-tu qu’elle se pointe avec son lot de difficultés ce jour-là ou pousseras-tu l’audace jusqu’à la devancer, te préparer, entraîner tes ailes et apprendre dès aujourd’hui à voler peu à peu par toi-même ? Comment penses-tu vivre, te nourrir, te chauffer, le jour où tes parents ne seront plus de ce monde ? Tu sembles très sûr de ton droit à vivre dans ta chambre, renfermé sur toi-même et sur tes jeux. Et pourtant tu écris pour le dire… Comme une question déguisée en certitude : « Je ne bouge pas !? » La peur peut-être te retient comme elle touche tout jeune adulte qui quitte le berceau familial. Mais tu n’en parles pas. Même si tes parents t’aidaient en te bousculant un peu, tu es le seul à pouvoir décider de ce que tu feras de ces jours qui se présentent à toi. Tuer le temps ou vivre ta vie ? À toi de faire ton choix, avec l’aide de tes parents ou d’un professionnel si le choix le plus vivant te semble trop difficile à assumer tout seul.

À lire aussi  La transmission, thème des prochaines journées Émergences