Par Pierre Lucas, directeur de BAO Group, coach, senior trainer, animateur entre autres du cycle « Consteller » à l’institut BAO Élan Vital (www.bao-elanvital.be).
Le monde du travail est de plus en plus impacté par la ‘crise’ sanitaire. Le confinement, l’incertitude et la pression des autorités constituent – selon les spécialistes de la santé mentale – une véritable agression psychique. La menace sanitaire, économique et sociale touche toutes les entreprises, grandes ou petites.
Selon François Perl, ex-directeur à l’INAMI, une bombe à retardement a été déclenchée. Elle vise potentiellement chacun d’entre nous. Bien sûr, le terrain était déjà miné avant l’apparition du virus, avec des chiffres d’invalidité dépassant les chiffres du chômage ; les ‘faibles’ et les ‘fragiles’ faisant gonfler les statistiques de la sécurité sociale, le burnout rivalisant avec d’autres maladies tels les troubles musculosquelettiques (souvent psychosomatiques). Aujourd’hui ce n’est plus seulement de burnout qu’il faut parler, même si ce risque est encore bien présent. Il faut envisager le risque réel qu’une dépression guette de nombreux cerveaux humains.
Des études chiffrées commencent à faire prendre ce problème très au sérieux. Il est temps que le monde politique prenne la juste mesure de l’ampleur du phénomène.
En attendant, pour les responsables d’entreprises, c’est un casse-tête chinois. Comment, à distance, prendre soin des personnes fragilisées qui – paradoxalement – font de moins en moins appel aux psychologues du travail, semblant préférer l’isolement. L’isolement est sans doute un des risques majeurs à l’heure actuelle.
Dans ce contexte à distance, les cas de harcèlement se multiplient, les plaintes pour conflits se développent, les interventions urgentes à la limite de la psychiatrie augmentent. Car la distance sociale n’immunise pas contre le harcèlement.
COMMENT PRÉVENIR AU MIEUX LES PROBLÈMES ANNONCÉS ?
Avec un groupe d’experts issus du monde médical, de la psychologie et de la thérapie, en s’appuyant sur les résultats des recherches les plus récentes, le BAO Group effectue depuis plusieurs mois un travail en profondeur – en parallèle avec un groupe de DRH d’entreprises – afin de rester connecté le plus possible à la réalité du terrain et d’identifier les meilleures pratiques permettant aux responsables d’entreprises d’aider leurs collaborateurs les plus fragilisés. Plusieurs moyens sont utilisés : coachings, psys du travail, assistance téléphonique, groupes de parole, formations, newsletters, e-learning, webinaires…
Ces mesures ont démontré leur utilité, surtout lors du premier confinement. Toutes ou presque se faisaient à distance en utilisant des techniques jusque-là peu connues :
Zoom, Teams et consorts ont fait leur joyeuse entrée dans le monde du travail. Vive le télétravail. Vive la liberté ? Lors du second confinement, l’usage des moyens informatiques a connu une croissance généralisée. Les écrans sont devenus des médias incontournables pour ‘collaborer’. Puis, petit à petit, on a réalisé que ces écrans ne nourrissent pas nos besoins essentiels. Grand absent : le lien complet, authentique, multi-sensoriel en ce compris le corps.
LES ÉCRANS DU DIABLE ?
Clin d’œil : l’étymologie du mot ‘écran’ évoque les notions de clôture ou de grille. De l’écran à la prison il n’y aurait donc qu’un pas ? Alors, diaboliques les écrans ? En grec, « diabolos » signifie « qui divise, qui désunit, qui trompe ». À chacun de se faire son opinion.
Chez BAO Group, nous sommes aussi passés au virtuel… Mais nous restons néanmoins convaincus qu’il est urgent de recréer le lien primordial. Authentique. Depuis près de vingt ans nous pratiquons le coaching et les formations dans les organisations en privilégiant celui qui ne ment jamais : le corps. Contrairement au ‘mental’ qui ment monumentalement, comme le dit Jacques Prévert. Ce sont ces pratiques psychocorporelles que nous encourageons à introduire ou à renforcer au sein des entreprises car elles seules auront un impact suffisamment rapide pour maintenir la santé mentale en ces temps difficiles.
Citons ici quelques exemples de processus qui ont fait leurs preuves sur le terrain depuis bien longtemps et que la science (via certaines universités) commence à étudier, tant les résultats observés sont impressionnants : méditation, pleine conscience, contacts guidés avec la nature (arbres, animaux…), respiration, cohérence cardiaque, EMDR, EFT, transes cognitives (inspirées des rituels chamaniques), constellations familiales et systémiques…, et bien d’autres. Dans un cadre professionnel supervisé médicalement, ces approches se révèlent étonnamment efficaces et ce, dans un temps record. La médecine elle-même commence à s’y intéresser de près.
L’urgence du moment devrait nous inciter à les mettre en avant. Sans délai. Et avec tout le sérieux que nécessitent ces types d’accompagnement. Chez BAO Group, nous le faisons sous la supervision d’un comité médical et en bonne intelligence avec Cohezio, notre maison-mère (médecine du travail).
Je voudrais conclure en précisant un point essentiel de ma pensée : l’entreprise joue un rôle central pour contribuer au bien-être de son personnel. Mais ne nous y trompons pas : la responsabilité première en cette matière revient aux autorités. L’agitation compréhensible à laquelle elles se sont livrées jusqu’ici commence à apparaître disproportionnée et peu cohérente par rapport à la réalité observée avec un peu de recul. Sachons reconnaître nos erreurs, et corrigeons-les sans tarder. Car si la vaccination est – certains l’espèrent – une des composantes de la solution, je doute qu’elle vienne à bout du dérèglement psychosocial qui s’annonce.