Lors de chaque « catastrophe », nous tentons, ma femme et moi, vaille que vaille de remettre la main dessus, sans succès. Finalement, nous en trouvons un autre qui ressemble au précédent, ou parfois, par chance, dénichons le même… qu’il reperd quelques jours plus tard.
Je commence à me demander si notre attitude est juste.
Bertrand 41 ans
Par Vanessa Greindl, psychanalyste
Cher Bertrand, merci pour votre question si riche !
Et en effet, qu’est ce qui est juste ?
« Remettre la main dessus », comme vous dites, où laisser agir la perte, et… accepter de perdre vous aussi ?
Le doudou, petit ours, âne, ou serpent est aussi comme vous le savez probablement, une part de vous, de lui, de sa maman, une part de lien, comme un fil qu’il tient dans la main. Part, amenée à être perdue un jour car elle fut gagnée d’abord, part qui peut être lâchée car il l’a probablement en lui bien au chaud, part qui n’a plus à être matérialisée dans le petit singe ou le carré de tissu, car elle se loge à présent, bien acquise, à l’intérieur de lui.
Vous décrivez combien il chante, court, joue et rit avec les autres enfants, notamment à l’école, et sentez bien « qu’il s’éloigne », écrivez-vous avec une légère amertume entre les lignes. Et oui, il grandit, et vous sème un peu, comme il oublie son doudou derrière un radiateur.
Ce n’est pas vous qu’il oublie ou laisse tomber, mais la construction qui lui fut nécessaire un temps, la création d’un « lui et vous » mêlés en une figurine qui lui a paru pouvoir remplir cet office.
Ce « toi et moi », ce lien fait de chair, et incarné par son précieux tissu mouillé et odorant ne lui est plus indispensable, en chair et en os, si j’ose dire, parce qu’il l’a acquis, à l’intérieur même de sa petite personne. Vous ne pouvez que vous en féliciter !
Lorsque l’enfant perd son doudou, n’est-il pas prêt à s’en passer ? Il a grandi, a acquis en lui certaines des ressources précédemment attribuées à ses parents,… et à son doudou. Peu à peu, il acquiert de quoi faire face à la vie.
Même si le drame de la perte est souvent au rendez-vous, il s’agit non pas d’une catastrophe mais d’un heureux événement !