C’est ce que vient de m’annoncer d’un air détaché ma fille de 14 ans. Elle a décidé de les teindre en bleu électrique, pour être assortie à son jean ! J’ai déjà échappé au rouge et au fluo, mais ne sais plus comment la faire réfléchir sur ce choix qui va influencer sa personnalité ?
Brigitte, 45 ans
Par Vanessa Greindl, psychanalyste et psychologue
Chère Brigitte, votre fille avec son air « détaché » chercherait-elle à se détacher ? À se différencier… tout en étant, à son jeans assortie ? «Vous » avez échappé au rouge et au rose fluo… ce n’est donc pas la première fois qu’elle vient vous annoncer « ses » volontés que pourtant « vous » esquivez. Que dit-elle lorsqu’elle vient vous harponner de la sorte ? À quoi fait-elle appel chez vous avec son détachement ?
Viendrait-elle crier avec véhémence « C’est Mon corps ! », ou encore chercher une réponse à la question « Est-ce Mon corps ?? ». Et d’une certaine façon, vous lui répondez. « Oui c’est ton corps, mais je refuse que tu en fasses n’importe quoi ».
Comment pourrait-elle expérimenter que son enveloppe physique est bien la sienne ? C’est vous qui avez échappé au rose fuchsia, et, bien que ce soit une façon de parler j’en conviens, ma lecture ne me permet pas de ne pas y voir aussi comme une confusion des corps. Qui est qui ? Et ces cheveux potentiellement teintés, à qui appartiennent-ils ? N’est-ce pas aussi le sujet sur lequel votre jeune adolescente vient vous interroger ? Comment lui répondre de façon à soutenir que son corps est bien le sien ? Comment l’aider à acquérir ce corps, si possible sans qu’elle n’ait besoin de le marquer ?
Il s’agit bien de sa chair, c’est elle qui sait, soit, mais si elle commence à s’abîmer -et tout parent a son seuil de tolérance à ce propos-, pourquoi ne pas se positionner comme autrefois, lorsque petite, elle mettait ses doigts dans la prise en vous regardant d’un air coquin ? Si les modalités diffèrent, et que vos réactions ont naturellement à s’adapter à son âge, il s’agit néanmoins peut-être bien des mêmes questions qui se vivent dix ans plus tard. Se séparer sans s’abîmer…
La traversée de ce moment, comme une nouvelle séparation des êtres, supposera tout un travail intérieur, afin qu’elle parvienne à habiter son propre corps, et à lui donner forme, autonomie et singularité.
