Je viens d’avoir un bébé et j’ai pu observer qu’à peine né, il communiquait déjà avec moi. Mais comment la parole va-t-elle se mettre en place ? Est-ce utile de lui parler dès la naissance ? Barbara, 32 ans
Par Vanessa Greindl, psychanalyste
Et comment ! Vous avez remarqué combien votre bébé boit vos paroles comme vos gestes, vos attitudes, votre regard… lorsque vous lui parlez, vous supposez qu’il vous entend, qu’il vous écoute, qu’il est en lien. Lorsqu’il semble en difficulté, peut-être lui demandez-vous ce qui se passe ? Vous réalisez bien, pourtant, qu’il ne va pas vous répondre qu’il a trop chaud ou encore faim. Pourtant, vous le lui demandez. Par là, vous lui indiquez qu’il y a quelqu’un à l’intérieur ! Vous lui signifiez qu’il pourra un jour dire ce qui l’habite, et que vous n’avez pas toutes les réponses. Vous l’interrogez, vous faites les dialogues avec les questions et les répliques, avec des « peut-être » par ici, des « je crois que » par-là, des « j’ai l’impression que » encore plus loin… Façon de lui signifier, je sais des choses, mais je ne sais pas tout de toi, façon de lui indiquer que c’est lui qui sait, mais aussi que vous pourrez l’aider à trouver les mots…
Pourquoi donc toutes ces nuances ? Si vous assénez à votre enfant: un « tu as faim ! » mi-tendre, mi-autoritaire, il pourrait bien se plier à ce que vous dites et continuer à ne faire qu’un avec vous, au point que vous incarneriez pour lui la tête qui pense et qui dit. Par ailleurs, si vous ne dites rien, il pourrait en rester là, seul avec ce qu’il vit, sans savoir rien en articuler puisqu’il a besoin de vos paroles pour parler un jour.
Votre tout petit n’est ni seul au monde, ni en vous. Entre lui et vous, deux êtres séparés, vous pouvez parler, avec les yeux, le corps, mais aussi la langue, qui tisse et participe à la construction de cet espace intermédiaire essentiel.
Votre enfant parle aujourd’hui avec des appels, des cris, des sons, encore difficiles à déchiffrer, il s’exprime aussi avec des gestes, avec son corps, avec son regard. Vos mots l’aideront à dire, le moment venu, sa joie, sa peur, son malaise, sa tristesse, sa colère et ses doutes, pour autant que ces mots restent dans votre bouche et dans votre esprit empreints de doutes et de questions ; … car vous savez au fond que c’est lui qui sait… Vous formulez des hypothèses qu’il prend ou jette, ce sont ces incertitudes inconfortables d’adultes, pourtant si précieuses pour l’enfant, qui lui permettront à terme de penser et de parler en son nom !
