Ne nous laissons pas déshumaniser

Cantonnés au départ dans l’industrie, les robots sont en marche, qui envahissent peu à peu tous les secteurs d’activité. Dans le secteur bancaire ou dans les grandes surfaces, on ne compte plus le nombre de dispositifs informatiques et robotiques mis en place pour remplacer les hommes et les femmes en contact avec la clientèle et  antérieurement disponibles pour l’informer.

Par Christiane Thiry, rédactrice en chef

Le mouvement d’automatisation s’amplifie également dans l’Horeca. Aux États-Unis, McDonalds a récemment annoncé l’introduction de bornes numériques pour remplacer au comptoir des centaines de personnes d’ici 2018. Et Wendys, autre chaîne de burgers, compte installer des bornes de commande dans 1000 de ses enseignes. Comme si manger consistait à se sustenter le plus vite possible, en-dehors de tout environnement convivial. Cette robotisation envahit même le secteur de la santé mentale, notamment dans les pathologies liées à l’autisme et au vieillissement. Les robots y exercent les fonctions thérapeutiques de médiateurs ou de compagnons affectifs. Comme si tout lien humain était voué à disparaître au profit de la seule rentabilité et sans savoir si l’apparition des robots se traduira par une création d’emplois qualifiés qui recyclerait les anciens métiers. C’est ce que confirme une étude réalisée récemment par deux chercheurs du Massachussetts Institute of Technology (MIT) et de la Boston University qui constatent, à partir d’une observation de l’emploi industriel aux États-Unis entre 1990 et 2007, un effet négatif sérieux et marqué des robots sur l’emploi et les salaires.

D’autres formes de déshumanisation des travailleurs sont en cours, comme les nouvelles directives que met en place progressivement notre gouvernement à l’égard des personnes les plus âgées. M’informant du sort qui risquait de m’être réservé dans les mois ou les années qui viennent, je viens en effet d’apprendre que le système des prépensions a été subrepticement remplacé par un régime de chômage avec complément d’entreprise (RCC), formule qui oblige une personne de plus de 60 ans qui vient d’être licenciée à chercher un emploi, alors qu’il est évident que son âge va constituer un frein plus qu’handicapant. Non content de cette mesure, le gouvernement tente de réduire, pour cette même personne, les montants assimilés pour sa pension. En bref, si vous êtes licencié/e à 60 ans ou plus avec, tout comme moi, 37 ans de carrière professionnelle, soit autant d’années de paiement de taxes et de contributions, non seulement vous voilà assimilé/e à un/e chômeur/euse, mais voilà en outre votre pension rabotée. Comme si tout le travail effectué ne comptait pas, comme si vous n’étiez devenu qu’un poids qui pèse sur les finances de l’État. Un robot docile sans emprise sur ceux et celles qui sont aux commandes et censé payer les années de mauvaise gestion et de manque d’anticipation de nos gouvernements successifs. Qu’en est-il du respect du travail accompli ? Qu’en est-il de celui de la dignité humaine ? Outre l’impact financier et psychologique qu’ont ces décisions uniltatérales, elles témoignent de la déshumanisation progressive d’une société qui ne prend plus soin de ses aîné/es.
Robotisés ou objets jetables, est-ce aussi le sort que nous réservons aux générations qui nous suivent ? Comment espérer les motiver à prendre part à un tel programme ? Nous vivons en plein paradoxe. Nous sommes, d’une part, soumis aux diktats d’une société capitaliste qui vise une croissance indéfinie, quitte à épuiser les ressources humaines et planétaires et, d’autre part, nous voyons naître des initiatives d’économie collaborative et de mutliples tentatives de restauration du lien de l’homme avec la nature.

À nous de prendre conscience de nos ressources humaines les plus fondamentales : notre capacité à l’empathie, à la bienveillance, à la solidarité, à l’épanouissement et au savoir-être. Contrairement aux robots qui, même s’ils interagissent avec nous, ne se soucient pas de nous, nous pouvons avec notre intelligence, notre imagination, nos mains et notre cœur rendre hommage à la vie et à notre humanité.

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