Et je me bats pour tenter de rétablir quelque chose de juste. Aujourd’hui, je m’épuise et je désespère. J’alterne entre le lâcher-prise et le contrôle, mais sans succès. J’ai bien démarré la vie avec certaines difficultés, comme le départ brusque de ma mère mais est-ce une raison pour me battre ainsi contre des moulins à vents ? Votre avis m’intéresserait. André, 38 ans
Par Vanessa Greindl, psychanalyste
Cher André, quel chemin déjà parcouru… Vous repérez avec acuité la répétition, vous faites un lien sans pour autant vous y réduire avec l’absence de votre mère, vous cherchez, et surtout, vous souhaitez aujourd’hui que quelque chose change, se transforme. « Ma mère est partie lorsque j’avais 6 ans, puis, nous étions quatre enfants, mon père était perdu, ne savait où donner de la tête, ne s’en sortait pas, de mon côté, je luttais comme je pouvais pour faire respecter l’ordre par mes frères et sœurs mais sans succès, en fait, je lutte sans succès depuis si longtemps… » Votre clairvoyance pourrait vous aider André ! Vous soulignez vous-même combien, petit déjà, vous tentiez au mieux, de votre place de petit garçon, de faire respecter un ordre qui vous dépassait largement, vous vous activiez déjà, en vain. Pourtant, ce mode d’être à ce moment vous a peut-être bien tiré d’affaire ! Vous y croyiez. Même sans succès, cette entreprise de tout petit vous a probablement permis de voir plus loin, de rêver d’un au-delà de cette situation si douloureuse. Vous aviez, avec vos frères et sœur, étés lâchés, abandonnés, et quelles que soient les raisons de votre mère, ce qui s’est passé pour vous là, est grave. Y croire, espérer un après, voir au-delà, vous a peut-être permis de traverser l’épreuve. Ne pas lâcher, de votre côté, ne pas abandonner, n’était-ce pas essentiel pour vous ? Et aujourd’hui, seriez-vous encore occupé à « sauver », soutenir, vous animer à droite et à gauche sans moyens pour le faire, afin de réparer le toit qui vous tombe sur la tête ? À six ans, vous ne pouviez épargner à la famille cette blessure terrible que fut le départ de votre mère. Aujourd’hui, comme lorsque vous étiez enfant, vous travaillez vers un but très sensé mais impossible si les moyens ne vous sont pas donnés puisque vous n’êtes ni le patron ni son bras droit.
Un regard lucide comme le vôtre sur hier vous aiderait à lâcher cette précieuse et pourtant illusoire croyance, que de votre place, vous pourriez changer un système qui dysfonctionne. Pourrez-vous trouver votre compte en occupant justement votre place simplement, ou la pathologie du système vous atteint-elle tout entier, auquel cas, changer de lieu de travail semblerait plus approprié que changer le lieu, tâche qui vous dépasse totalement non en raison de votre incapacité mais d’une impossibilité aussi grande que celle que peut vivre un enfant qui tente de faire tenir une maison.
