Je l’adore, il m’adore aussi, on s’entend très bien, on est trop bien ensemble, mais un problème apparaît de plus en plus souvent. Il désobéit, ne m’écoute pas, et je m’énerve. Parfois, je sors de mes gongs, et je m’en veux, terriblement. Comme je suis seule, je suis tout pour lui, décide tout très seule, et j’ai peur de faire des erreurs. Rose, 37 ans
Chère Rose, quelle bonne nouvelle ! Un hiatus entre lui et vous existe, le « je suis tout pour lui » « il est tout pour moi » comporte donc quelques nuances… et heureusement !
« Je suis son univers et lui représente mon sens, c’est le bonheur intégral », écrivez-vous avec émotion ! Et je vous lis avec tout autant d’émotion, Rose, car, même si c’est une façon de parler, il importe, et c’est crucial, que vous ne soyez pas l’univers tout entier pour votre fils, et qu’il ne soit pas tout pour vous. Ce tout que vous évoquez, doux rêve des amants et aussi du nourrisson face à sa mère, cette quête d’absolu appelle, pour qu’un enfant s’humanise, des limites et des barrières.
Au fond, votre fils vous dit que vous n’êtes pas « toute », il ne veut pas de ce lait trop chaud ou trop froid, de cette banane écrasée trop ou trop peu sucrée, il revendique une troisième chanson avant d’accepter de se coucher, il vous demande donc autre chose que ce que vous lui donnez, et c’est tant mieux !
C’est ce qui lui permettra de réaliser que vous êtes vous et lui, lui, chacun avec ses idées, ses envies, ou, de votre côté, vos limites, ce qui lui permettra de créer les siennes.
Un enfant peut dire ‘je’ à partir du moment où il réalise que sa mère n’est pas tout mais autre, différente de lui. C’est un deuil, raison pour laquelle il revendique ce plus, ce plus sucré et ce plus longtemps. S’il tente d’éviter cette perte, elle lui permettra néanmoins de se différencier de vous, de réaliser le « moi je », ce qui serait bien impossible à construire si sa maman se moulait à tous ses désirs.
« Je donne tout et ce n’est pas encore assez », écrivez-vous, désespérée que le tout ne suffise pas… Réjouissez-vous, ce tout ne suffit pas parce qu’il ne l’est pas, précisément ! Vous ne lui donnez pas la femme, l’amante ni l’amie, vous ne lui donnez pas non plus l’associée ou la secrétaire, vous lui donnez la mère et c’est son désir de plus et votre résistance à le lui donner qui lui permettra de grandir comme un enfant et non comme un tout !