Voici un grand classique des thérapies conjugales : lorsque le climat est plutôt favorable, chaque partenaire est invité à dresser une liste des qualités de l’autre, en particulier celles qui furent importantes pour emporter son engagement amoureux. Ces listes ne sont pas partagées et sont intégrées au dossier.
Par Armand Lequeux, professeur émérite de sexologie à l’UCL.
Un autre jour, alors que le climat est plutôt tendu sans être explosif, ils sont appelés à établir la liste des défauts du conjoint, des choses les plus difficiles à supporter aujourd’hui chez lui ou chez elle. Dans un troisième temps, ces documents sont dévoilés et comparés. Surprise ! Il était économe et le voici avare. Elle pétillait de fantaisies, la voici peu fiable et inconséquente. Il était sérieux, il est devenu sinistre. Elle était marrante, elle est devenue ridicule. Il avait un caractère indépendant, il ne pense plus qu’à lui-même. Elle était très attentionnée, elle est devenue envahissante. Vous avez compris : les qualités sont devenues des défauts. Que s’est-il passé ? L’amour est aveugle, dit-on, mais je n’en suis pas persuadé. L’amour naissant est un fabuleux optimiste qui colore tout en rose. Il interprète tout de l’autre positivement, côté pile et côté face.
– Bien sûr que j’ai perçu tout de suite son côté fourmi et ça m’a plu. Je suis cigale et je fus rassurée de savoir que son caractère économe et sérieux me permettrait de vivre dans l’insouciance.
– J’ai immédiatement flashé sur son côté joyeux et primesautier. Elle allait me rendre la vie moins triste.
Cette prise de conscience peut être un moment important, un véritable renversement de perspective.
– Tes défauts ne sont pas des défauts, ce sont des caractéristiques de ta personne. Je peux non seulement apprendre à vivre avec, mais je peux décider de les honorer. C’est grâce à eux que tu fais partie de ma vie. Ne bouge pas trop vite, ne change pas encore. Je vais retrouver mes anciennes lunettes et te voir comme avant, comme pendant notre romance quand, à mes yeux, tu n’avais que des qualités.
Nous demandons si souvent à l’autre de changer et nous avons la désagréable impression que rien ne bouge au point d’être découragés. Si nous commencions à changer nous-mêmes, ne fût-ce qu’un peu, le décalage nous permettrait de voir les choses autrement et nous comprendrions que c’est surtout notre regard qu’il faut changer. Sur l’autre et sur nous-mêmes.
– C’est peut-être parce que j’ai trop besoin d’air que tu me parais si étouffante. C’est normal, tu as tellement besoin d’être rassurée.
– C’est peut-être parce que je suis trop insouciante que tu te crois obligé d’être si sérieux, ce que je ne cesse de te reprocher au point de te crisper davantage.
Alors, on essaie ? D’accord c’est dangereux comme attitude, l’autre pourrait en profiter mais, vous le savez, l’amour est un sport à risques et c’est bien ce qui fait son charme.
