Quand je vais chercher mes petites à l’école, je remarque de plus en plus autour de moi que certains parents, tant le père que la mère, embrassent leurs enfants sur la bouche pour leur dire bonjour ou au revoir. Je suis assez choquée par cette situation. Qu’en pensez-vous ? Olivia, 33 ans
Chère Olivia, merci pour votre question combien universelle et actuelle ! Vous êtes choquée, écrivez-vous dans votre mail, dérangée, mal à l’aise… Et vous avez mille fois raison !
Par Vanessa Greindl, psychanalyste
Au risque d’être jugée rétrograde ou adepte du bon vieux temps, je crains que cette nouvelle façon de se témoigner de l’attachement ne soit pas un plus pour la jeune génération… Et si nombre d’évolutions en tous genres sont à saluer à l’heure d’aujourd’hui, celle qui tend à mélanger les générations, et/ou les types de relations – amoureuses, amicales, parentales – signe plutôt une régression qu’une avancée de l’humanité. Comme nous l’avons déjà à de nombreuses reprises évoqué dans cette rubrique, les enfants ont à quitter leurs parents pour s’envoler, être eux-mêmes et faire leur vie ailleurs que dans le périmètre de ceux qui les ont conçus, lieu où, tel un jeune plant, ils manqueraient d’air et de lumière… S’embrasser sur la bouche, geste d’amoureux, du moins dans nos sociétés occidentales, devrait être réservé aux amoureux. S’il est évident qu’une maman qui embrasse son fiston de 5 ans sur la bouche n’a aucune mauvaise intention, n’est probablement pas perverse, et est sans doute une chouette maman, il n’en reste pas moins que cet acte entretient l’illusion œdipienne chez son garçon, ne l’aide pas à y voir clair, et contribue à renforcer ce flou problématique qui entoure beaucoup d’enfants dans nos pays. Qui suis-je, son ami, son fils, son amoureux ? Quelle douceur, ce rêve d’être tout à la fois pour elle… Et quelle catastrophe ! La petite scène que vous décrivez est un signe des temps, un temps où l’on croit être plus à l’écoute du désir, alors que, gommant les normes et estompant les différences, cette atmosphère ne fait que l’endormir, ou pire, pour certains, l’empêcher d’advenir…
Merci donc Olivia pour votre bienheureuse indignation !