En toute franchise…

Osez-vous dire tout ce que vous pensez ? Comment le faites-vous ? En vous disant c’est à prendre ou à laisser ou en tenant compte de la disponibilité de l’autre ?
C’est quoi la franchise ? Est-ce être honnête avec soimême en disant tout ce que l’on pense, quel que soit l’impact sur la relation à l’autre ? « Tu ne t’occupes jamais de l’entretien de la maison », « J’en ai marre de ranger toujours derrière toi », « Tu ne penses qu’à toi », « Tu es toujours en retard », « Tu ne me laisses pas m’exprimer », « Et où étais–tu encore ce soir ? »,… Telles sont les invectives que bon nombre d’entre nous lâchent bien souvent quand ils ont le sentiment que la goutte déborde le vase. D’autres, a contrario, se taisent et répriment leur colère ou leur tristesse, par peur de déplaire, de perdre l’estime de l’autre ou de détruire le lien.
Tout se passe souvent comme s’il n’y avait que deux modes de communication possible : la soumission à l’autre, en évitant toute parole conflictuelle, ou l’agressivité, en déversant sur elle ou lui nos propres frustrations et nos manques. Comme si toutes nos relations étaient fondées sur des rapports de force. La vie est une lutte, il faut se battre pour survivre. Cette vieille croyance guerrière, renforcée par l’esprit de compétition qui meut notre société et qu’on nous inculque dès l’enfance, formate depuis trop longtemps nos pensées. Avec pour conséquence que dans nos relations familiales, amicales ou professionnelles, nous ne référons qu’à des modèles de colère retenue ou explosive. Inconsciemment, nous sommes amenés à penser que, quand il y a conflit, il y a ennemi. Or parler, même au risque d’un malentendu ou d’une dispute, c’est le socle de notre humanité. Comme l’exprimait encore le psychanalyste Jean van Hemelrijck1 lors de la dernière Foire du livre de Bruxelles, la parole nous fait quitter le biologique pour entrer dans l’humain. Raconter notre histoire, la croiser avec celle des autres, cela nous permet de nous inscrire dans la durée. Il nous faut sans cesse, même en cas de séparation ou de conflit, continuer à exister de manière narrative. Le combat ou l’agressivité ne sont pas nos seules alternatives. Nous pouvons exprimer nos désaccords et cohabiter dans nos différences. Quitter le combat des egos -j’ai raison et tu as tort- et créer du nous. Mais, pour ne pas projeter nos frustrations sur l’autre et pour être sincère, il faut d’abord que nous apprenions qui nous sommes : quelles sont les valeurs qui nous portent ? Comment vivre en cohérence avec elles ? Qu’est-ce que nous aimerions vivre ? Qu’est-ce qui nous attriste ? Qu’est-ce qui nous réjouit ? Qu’est-ce qui donne du sens à notre vie ? Quelles sont nos peurs et les croyances qui nous empêchent d’aller vers ce que nous aimons ? Il faut apprendre à se connaître pour pouvoir décider ce que l’on dit et montre de soi. Pour être franc et sincère, il faut d’abord faire la paix avec soi car les conflits que nous vivons à l’extérieur sont les reflets de conflits que nous portons en nous. Nous avons besoin de les observer et de les pacifier pour sortir du besoin de convaincre l’autre ou de le manipuler.
Il ne s’agit pas de mettre le conflit au placard, mais au contraire de le considérer comme fécond. Si nous sommes bien ancrés et cohérents avec ce que nous savons de nous, le conflit nous apporte l’opportunité d’éviter les pensées qui se referment sur elles-mêmes, l’occasion de nous ouvrir à d’autres manières de voir les choses et de changer de position. Nous pouvons exprimer en toute franchise à la personne avec laquelle nous sommes en désaccord (conjoint, ami/e, collègue) quelle est notre position et écouter la sienne jusqu’au bout : toi tu penses cela et moi ceci. Nous pouvons ensemble trouver une tierce position et assouplir nos croyances négatives mutuelles.
Arriver à se dire en toute sincérité pour rencontrer vraiment l’autre, par delà la friction ou la colère, cela demande du travail, de l’engagement. D’autant que nous manquons de modèle et que nos systèmes éducatifs ne nous apprennent pas ou trop peu encore à améliorer la qualité de la relation avec nous-même et avec les autres. À nous d’inventer et d’apprendre à exprimer nos désaccords avec une franchise bienveillante, douce et respectueuse. La paix ça s’apprend, confirment Thomas d’Ansembourg et David Van Reybroeck dans le titre de leur très beau livre.chez Actes Sus.

1 Jean van Hemelrijck, la Malséparation, Editions Payot et Rivage, 2016

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