Larguons nos amarres!

L’année 2016 s’est terminée avec l’arrivée de Donald Trump sur la scène internationale et le sacre d’autres puissances masculines autoritaires comme Poutine, Erdogan et Bachar el-Assad. 2017 a démarré avec un attentat sanglant à Istanbul et sera peut-être pour l’Europe, après le Brexit, l’année de tous les dangers avec les rendez-vous français, néerlandais et allemand des urnes. La montée des populismes va-t-elle se poursuivre, vague mondiale qui place la sécurité comme première valeur, au-dessus des valeurs humaines de liberté, de justice et de tolérance ? Allons-nous déconstruire ce que nous avons bâti ?
S’interroger de la sorte peut sembler justifié, mais c’est rester piégé dans les clivages manichéens dans lesquels nous confortent les croyances véhiculées par notre vision du monde occidentale.

Par Christiane Thiry

Au fil des ans, depuis le début de l’humanité, nous avons créé des hiérarchies imaginaires entre hommes et femmes, entre Blancs et Noirs, entre riches et pauvres, entre croyants et non croyants, entre l’Occident et le reste du monde. Toutes ces distinctions s’enracinent dans des fictions que nous prétendons naturelles et inévitables. Ces hiérarchies issues de notre imagination, nous en avons fait des croyances presqu’inaliénables qui créent des discriminations intégrées dans nos structures sociales, mais aussi dans nos comportements. Elles induisent peur de l’autre, critiques, jugements, exclusions. Et elles alimentent racisme -les Blancs sont naturellement plus intelligents et plus assidus au travail que les Noirs-, séparatisme -les Wallons, moins travailleurs, vivent aux crochets des Flamands-, populisme -tous les Musulmans sont violents-, sexisme -les filles ne sont pas bonnes en maths- ou libéralisme à outrance -le capitalisme est LE modèle économique de référence. Comme le développe Yuval Noah Harari dans Sapiens1, pour créer de l’ordre dans leurs sociétés, les hommes n’ont cessé de classer la population et de diviser le monde en catégories fictives, qui cloisonnent et freinent la transition nécessaire vers plus de solidarité et d’ouverture au changement. Sans compter que ces processus de catégorisation et de généralisation, nous les avons intériorisés : nous croyons que, par rapport aux autres, nous devons être parfaits, forts, rapides, empathiques, opiniâtres. Et nous nous sabotons si nous ne correspondons pas à ces modèles. « Je ne suis pas une bonne mère car je ne joue pas assez avec mes enfants », « Ma sœur est plus belle que moi », « Je suis incapable de réussir », « Je suis toujours trop lent », « Tu n’interromps pas les grandes personnes »… Limitantes et fermantes, toutes ces croyances érigées en vérités altèrent l’estime que nous avons des autres et de nous-même. Or, ce dont nous avons aujourd’hui le plus besoin, c’est de croire en nous et en notre capacité de résoudre ensemble les problèmes qui se posent. C’est de prendre soin de notre biosphère commune et de mettre en place des systèmes économiques et sociaux pacifiques et équitables pour tous. Ceci suppose que nous développions nos qualités d’empathie et de coopération, que nous percevions que planète et humanité ne font qu’un, mais surtout que nous vainquions le mal-être ambiant. En défaisant ou en recadrant les croyances qui stigmatisent, sabotent et limitent notre confiance, nous pouvons restaurer notre capacité au bonheur. En prenant le temps de découvrir nos talents et nos passions plutôt que nos limites, nous pouvons les mettre au service de la construction d’un nouveau monde.  Cela suppose aussi qu’au lieu de catégoriser les jeunes comme matérialistes, démotivés, paresseux, égoïstes, gavés d’internet et incapables de s’investir, nous sortions de nos schémas et de nos projections et reconnaissions leur valeur et les nombreuses actions qu’ils mettent déjà en place. À nous de les encourager à découvrir leurs forces et à arpenter le monde pour partager et échanger leurs savoirs, leurs expériences et leurs vécus.
Faire émerger et grandir chez les autres et en nous-même la conscience que nous avons de nos ressources, c’est un beau projet que nous pouvons réaliser à l’aube de cette année.

1. Sapiens, une courte histoire de l’humanité de Yuval Noah Harari, Albin Michel, 2015.

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