Je réalise bien que ce type d’activité est de son temps, que je passais moi-même des heures au téléphone avec mes amies que j’avais déjà vues toutes la journée à l’école, mais néanmoins cette attitude me déconcerte et j’ai du mal à la gérer. Un peu, beaucoup, pas du tout ? Pourquoi et comment ? Pouvez-vous m’aider à y voir un peu plus clair ?
Agnès, 44 ans.
Merci Agnès pour votre question difficile en effet, et combien actuelle ! Vous précisez également, que votre fils dort avec son téléphone sous son oreiller, quand ce n’est pas dans sa main, presque comme son doudou lorsqu’il avait 10 ans de moins. Il se réveille aussi avec son appareil, lui parle, le manipule, en prend soin, et ne le quitte pas… À trois ans, le doudou incarnait sa maman et permettait à votre petit garçon de traverser différentes séparations, à l’heure du soir notamment ou lors de l’entrée à l’école.
À l’heure de l’adolescence, il vous quitte encore un peu plus, et du haut de ses 15 ans, se voit déjà conquérir le monde, détaché de ses parents qui n’en touchent pas une selon lui – et selon ce que vous écrivez. La rupture est plus catégorique, nécessaire pour un futur accès à la vie adulte. Néanmoins, couper ne suffit pas, et comme vous le voyez, se relier avec ses pairs, grâce à son nouveau doudou, lui permet de couper avec vous sans vaciller complètement.
Pourtant, votre préoccupation semble utile, elle aussi ! Trop présent, ce petit appareil risquerait bien de couper le cordon, non seulement avec vous mais aussi avec lui. Relié en permanence aux autres, au réseau, au jeu, il risquerait bien de ne plus se retrouver seul avec lui-même, moment nécessaire et fondateur, douloureux parfois, qui permet néanmoins de penser. Qui suis-je ? D’où viens-je ? Où vais-je ? Que veux-je pour l’avenir ? Quels sont mes rêves ? De quoi suis-je heureux -ou pas- aujourd’hui ?… Ces multiples questions pas toujours drôles, mais pourtant essentielles, relient votre fils à lui-même et à ses aspirations profondes.
Un peu d’air entre lui et son appareil lui permettrait probablement d’avoir accès plus spontanément à son être intérieur et de mettre en lumière ce qu’il vit et ce qu’il rêve plutôt que de se servir de son petit écran pour… entre lui et lui, faire écran.
Par Vanessa Greindl, psychanalyste