Contrôle, objectif, travail, résultat, rentabilité, tableau de bord, planification,… Et la chance dans tout cela ? Parler de la chance comme une compétence ne fait sans doute pas partie du vocabulaire « politiquement correct » d’une entreprise. Et pourtant ! Si pour réussir sa vie active, au-delà du talent et du travail que nous avons à notre disposition, il y avait un facteur « chance » qu’il nous appartient de saisir, de provoquer, de forcer ?
Par Gaëtan Vandamme, senior coach au BAO Group – photos Mathilde Troussard – modèles : Ana Cembrero Coca ( http://www.laignorancia.com) et Nathalie Lenoir ( http://www.gravity-art.org/).
Notre vision du monde est construite sur des expériences qui, si elles se répètent, peuvent devenir de vraies croyances. Ces croyances nous permettent d’exister, de renforcer ou d’appauvrir notre confiance en nous, de croire au « tout est possible » comme de perdre l’espoir d’un possible. En ce sens, nous sommes capables de nous attirer nos « pas de chance » comme nous sommes capables de nous attirer nos réussites.
La chance, un état d’esprit
Cette « loi d’attraction » n’est pas le fruit d’un simple hasard, synonyme d’une possible passivité, mais elle peut être le fruit d’un état d’esprit, d’une attitude intérieure qui invite à changer notre regard sur les événements qui nous impactent et à les envisager comme des occasions pour rebondir. La vie n’est pas un long fleuve tranquille ; d’où l’intérêt de rester en éveil et nous outiller pour la traverser avec justesse et sérénité.
En regardant les Jeux Olympiques cet été, j’ai souvent été interpellé par ce besoin de certains athlètes de lier leur réussite ou leur échec à la chance ou la malchance. Leur performance ne peut pas se résumer à un « accident heureux », un moment de grâce ponctuel et fortuit. Les émotions de joie et de tristesse sont bien plus que l’expression d’un instant qui a bien ou mal tourné. Ces athlètes sont là où ils sont parce qu’à force de travail, ils vivent leur rêve et qu’ils ont mis toutes les « chances » de leur côté.
Il en va de même dans la vie active. Il faut être de sacrés athlètes pour décrocher un travail, réussir sa carrière, développer des relations harmonieuses, avoir des objectifs qui se réalisent, développer son entreprise. Alors oui ! Même sous sa forme éphémère, ponctuelle, la chance peut nous être indispensable pour croire en un avenir optimiste. Mais si la chance s’inscrit dans la durée parce qu’elle s’incarne dans des événements positifs à répétition, alors il est bien probable que nous détenions là une vraie compétence qu’il nous appartient de reconnaître, d’accepter et de cultiver.
La chance est une discipline de vie
La chance peut s’entendre comme la possibilité, la probabilité que quelque chose (surtout un événement heureux) se produise, au risque de réduire la chance à un « moment magique », un événement fortuit, un billet de loterie que j’achète dans l’espoir peu probable de gagner le gros lot.
Au contraire, nous pouvons être l’acteur de notre propre chance. Comme le dit si bien Philippe Gabilliet, professeur de psychologie à l’ESCP (Paris) et spécialiste du développement professionnel, « la chance pourrait être la capacité qu’ont certaines personnes à créer autour d’elles les conditions d’apparition des opportunités. Dans le fond, on pourrait dire que les gens qui ont de la chance, ce sont les gens qui savent gagner les concours de circonstances »1.
Nous n’avons pas le pouvoir de changer les événements de notre vie, mais nous avons le pouvoir de les accepter comme des faits et de les transformer en de véritables opportunités d’apprentissage. Et c’est cela notre chance !
Dans ma propre histoire, rien ne me prédisposait à un changement de vie, si ce n’est une petite voix lancinante et répétitive qui me disait : « suis-je la bonne personne à la bonne place ? ». Bien qu’apprécié et reconnu dans ma fonction, une partie de moi restait insatisfaite. Et moins je m’en occupais, plus cette question m’angoissait. Le futur étant incertain par définition, je le rendais plus incertain encore en n’acceptant pas de m’occuper de moi-même. Un soir, j’entends mon épouse me dire « Tu deviens ton stress, alors occupe-toi de lui ».
Et quelques jours plus tard, je reçois dans ma boîte aux lettres un folder pour une formation au coaching à 5 minutes de chez moi. Je savais qu’il y avait en moi un grand désir d’écouter l’autre et cette annonce est venue réveiller ce désir. Je décide donc de m’inscrire et c’est le point de bascule vers le « coach indépendant » que je suis devenu, non sans des hauts et des bas. Cela fait près de 11 ans et je me souviens que c’est à ce moment-là que de nouvelles rencontres sont apparues, de nouvelles opportunités de travail se sont offertes et que des collaborations se sont construites.
Ma chance ? C’est d’avoir pu me regarder dans le miroir, d’avoir ouvert mon esprit au feedback, d’avoir pris la décision de me faire accompagner, d’avoir accepté la peur comme une ouverture à de nouvelles opportunités, d’avoir eu le courage et l’audace de passer à l’action.
En fin de compte, la seule vraie question à se poser pour accueillir sa chance de rester acteur de sa vie n’est pas « pourquoi cela m’arrive à moi ? Mais devrait être « que puis-je apprendre de ce qui m’arrive ? ».
Les clés pour une chance durable
La chance se provoque dès lors que je sors d’une attitude de dépendance, de résignation ou de soumission. Elle se force lorsque je me mets dans une attitude d’ouverture qui invite à l’action. Mais pour cela, voici quelques clés qu’il est bon d’avoir à l’esprit :
3.1 « La chance sourit à celui qui a un but »
« Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va » dit Sénèque.
Il n’est pas nécessaire d’avoir des buts, des objectifs ou des projets qui transforment une vie. Souvent, nos objectifs peuvent se définir sur une échelle bien plus courte (une journée, une semaine, un mois). Vous ne saisirez des opportunités que si votre but est nourri par une volonté essentielle et un plaisir à l’atteindre.
Posez-vous les questions suivantes :
Qu’est-ce que je souhaite réaliser aujourd’hui et qui me rapproche de mon but ?
Qu’est-ce qui ne dépend que de moi ?
Qu’est-ce que je suis prêt à y mettre comme énergie personnelle ?
3.2 « La chance sourit aux audacieux »
Développez votre curiosité, autant de vous-même que des autres. Interrogez vos habitudes, vos jugements, vos certitudes pour ne pas rester enfermé dans une certaine routine. La chance n’aime pas la routine, mais elle s’imprime en vous lorsque vous osez à certains moments sortir du cadre connu, lorsque vous prenez le risque de changer votre manière de penser ou d’agir.
Posez-vous les questions suivantes :
Que puis-je faire que je n’ai pas encore tenté ?
Et s’il y avait une autre manière de regarder la situation ?
Que puis-je apprendre de mon collègue qui ne fonctionne pas comme moi ?
3.3 « La chance sourit à celui qui rebondit »
Nos erreurs sont une chance. La malchance existe et nous en faisons tous l’expérience. Mais n’oublions jamais qu’une erreur, un échec, un conflit n’est stérile que si nous n’en faisons rien. Ils peuvent devenir de formidables occasions d’apprentissage et de créativité si nous décidons d’en faire quelque chose.
Alors, parfois, accordez-vous le droit de vous arrêter, de respirer en conscience, d’accepter l’émotion présente et, le moment venu, d’identifier les actions gagnantes qui, dans le passé, vous ont aidé à en sortir. Il est probable que des stratégies déjà utilisées vous donneront la chance d’ouvrir de nouveaux espaces.
Et posez-vous la question :
Comment puis-je me servir de cette situation pour progresser davantage ?
3.3 « La chance sourit à celui qui ose la rencontre »
La diversité des expériences vécues par les personnes de notre réseau peut s’avérer être de véritables opportunités à saisir. Notre chance réside parfois dans une rencontre, une parole entendue, une demande explicite ou implicite.
La chance s’exprime aussi au travers des liens que nous créons.
Posez-vous les questions suivantes :
De qui aurais-je envie d’avoir un conseil ? Prenez rendez-vous !
Et si cette personne pouvait me mettre en lien avec une autre personne ? Demandez-le lui !
Face à une question que vous vous posez, choisissez 3 personnes de confiance (réelles ou imaginaires), imaginez-les en train de répondre à votre question. Qu’écririez-vous ?
Conclusion
La chance se pratique, s’entraîne et se travaille. La chance, vécue comme une compétence, s’ouvre à celui qui est prêt à prendre rendez-vous avec lui-même, à questionner ses propres certitudes, ses jugements et à sortir de sa zone de confort. La chance, vécue au quotidien, habite celui qui accepte de s’ouvrir à l’inattendu, à celui qui croit qu’un feedback reçu est une occasion pour progresser, à celui qui est prêt à écouter ses propres besoins comme à écouter les demandes des autres et qui les envisage comme des invitations à progresser.
La chance demande encore audace, travail, persévérance pour faire de tout événement une opportunité de réussite.
1. Ph. Gabilliet, L’éloge de la chance, Ed. Saint-Simon, 2012.
v