Je voulais être avocate, architecte, psychologue ou écrivaine. Après mes études de romanes et de linguistique, je voulais partir faire de la recherche à Madagascar. Des troubles y ont éclaté et mon contrat a été annulé. Engagée par le groupe chimique Solvay, je me suis retrouvée assistante du chargé des relations publiques puis responsable de la revue internationale des cadres. J’avais l’intention d’y mettre en place des outils de communication quand mon mari a été envoyé à Amsterdam. Projet à nouveau avorté. À mon retour en Belgique, j’ai repris des études de journalisme… Ai-je choisi la bonne voie ? Suis-je passée à côté de ma vie ?
Qu’est-ce qui nous permet de rebondir face aux changements imprévus ou aux échecs rencontrés ? Quelles ressources mobilisons-nous pour accepter nos erreurs ? Telles sont les questions abordées dans le dossier de ce mois.
En ce qui me concerne, ce qui m’a poussée à poursuivre mon chemin, quoi qu’il arrive, c’est une conscience aigüe de la pulsion de vie qui m’animait et de l’importance de suivre le flux permanent de la vie et de m’adapter. Brimée dans mon enfance par une éducation scolaire rigide et normative, j’ai décidé très tôt de travailler sur moi pour déployer ma créativité et pour participer ensuite, à ma façon, à l’éveil des consciences. Via les divers supports de presse toujours conçus en équipe et à travers de multiples rencontres. J’ai ressenti profondément combien une éducation ou un environnement chaleureux et encourageant pouvait faire éclore les germes de résilience qui sommeillent en chacun de nous. Cette intuition m’a incitée à rechercher les personnes attentives à ouvrir chez les autres, et chez les enfants en particulier, le champ des possibles. J’ai ainsi eu le grand bonheur de rencontrer Jean-Claude Loos1, psychopédagogue à l’école Notre-Dame de Bastogne, adepte d’une école ouverte sur le monde. C’était il y a une vingtaine d’années, et il venait de créer un laboratoire de pédagogie en pleine nature à Botassart, un site qui abrite un des paysages les plus célèbres du pays : le Tombeau du géant. Aves ses étudiants de l’école normale, des membres du WWF, des musiciens, il y proposait chaque été des ateliers d’apprentissage expérimentaux qui laissaient une vraie place aux disciplines d’éveil, aux matières artistiques, à la géographie, à l’histoire, etc. Il y valorisait les compétences différentes, la créativité, l’entraide, la capacité de trouver sa voie parmi les multiples voies possibles. Botassart était un laboratoire pour développer le savoir-être et non seulement le savoir-faire.
Il n’y a en effet pas une seule voie car nous sommes des êtres pluriels et la vie est un flux constant. Ce n’est pas, nous le savons, un long fleuve tranquille mais un parcours semé d’embûches, d’erreurs, de séparations et de deuils. Pour les accepter et les considérer comme de occasions de mettre en œuvre nos propres ressources, il faut que nous nous sentions libres de nous tromper et de progresser. Il faut que nous nous sentions aimés et non jugés, que nos apprentissages se fassent dans un environnement apaisant, sous un regard compréhensif et bienveillant. Ce fut le leitmotiv de la dernière journée « Émergences » centrée sur le thème de la transmission. Comme l’a démontré la pédiatre Catherine Gueguen2, pour grandir et développer ses facultés cognitives, morales et sociales, l’enfant a besoin de sécurité affective et d’écoute. Pour augmenter notre capacité de résilience, nous avons toutes et tous besoin d’être réconfortés, câlinés, encouragés et non humiliés ou violentés. Pour progresser dans notre quête, explorer toutes les parties de nous-mêmes, faire nos choix et les réorienter, il ne faut plus nous brusquer ou nous comparer, mais nous accueillir dans nos singularités et selon nos rythmes propres.
Transmettre de l’amour, accompagner de manière bienveillante, favoriser solidarité et altruisme, c’est éveiller la personne à elle-même. C’est semer les germes de rêves chers aux compagnons de Botassart, germes d’enthousiasme et de connexion à soi.
Merci Jean-Claude
1. Directeur de la Catégorie Pédagogique de Bastogne/Henallux et auteur de L’accompagnement des nouveaux enseignants, Éditions l’Harmattan, 2010.
2. Auteure de Pour une enfance heureuse : repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, Robert Laffont, 2014