Voici le temps des vacances avec ses promesses de détente et de ressourcement. Bon nombre d’entre nous ont en effet attendu cette période avec impatience et ont mis leur dernière parcelle d’énergie à clôturer tout ce qui devait l’être avant leur départ.
Par Christiane Thiry, rédactrice en chef
Se mettre en vacances est presque devenu une norme intégrée depuis l’instauration des congés légaux. Qui d’entre vous n’est pas, depuis quelques semaines, interpellé/e sur la destination choisie pour s’évader ? Ou sur les activités ou stages qui vont lui permettre de reprendre souffle ? Il faut de l’audace pour transgresser la règle des vacances et oser dire qu’on poursuit ses occupations ou qu’on ne se déplace pas hors de chez soi. Il est de bon ton que nous prenions toutes et tous le temps de lâcher prise, de calmer nos cerveaux surchauffés.
La rapidité, le stress, l’agitation ou la colère n’ont pas bonne presse. Il nous faut gérer nos émotions, canaliser au plus vite les plus désagréables. La méditation fait un spectaculaire retour dans nos sociétés. Elle connaît un engouement qui ne cesse de s’amplifier. Partout les ouvrages invitant à se centrer, à ralentir et à être zen se multiplient. Au top des ventes, on trouve les prescripteurs de nouvelles voies vers le bonheur et la spiritualité : Frédéric Lenoir, Christophe André, Pierre Rabhi, Alexandre Jollien et Matthieu Ricard… Méditation jusque dans les écoles, mais aussi au travail comme chez Google où cette pratique est organisée via l’ingénieur Chade Meng Tan qui a mis en place un atelier de méditation dans l’entreprise. Chez nous, Ilios Kotsou et son équipe d’Émergences développent la pratique via de nombreux cycles de formation et l’étendent à la préparation à la naissance et jusque dans les prisons.
Même si cette approche du développement de l’intériorité semble répondre à un véritable besoin de notre époque, elle provoque aujourd’hui un tel effet de mode que beaucoup se sentent obligés de se détendre, de méditer, de débrancher. Un diktat et des techniques qui ne conviennent pas à celles et ceux, nombreux/ses, qui sont adeptes de la rapidité ou qui adorent voir leur agenda bien rempli. Allergiques à la lenteur, ces personnes culpabilisent d’être incapables de ralentir, de s’asseoir en lotus et de respirer en pleine conscience, ou bien se hérissent ou s’angoissent quand on leur propose de déconnecter. Et, pour tout un chacun, sans vouloir nier les bienfaits de la lenteur, de la respiration par le ventre et de la sérénité dans nos vies où tout va de plus en plus vite, il y a des moments où le stress est mobilisateur.
En outre, prescrire le calme et le lâcher-prise dans une société qui continue à promouvoir la compétition, la performance et la croissance à tout prix, c’est colmater une brèche, c’est occulter une contradiction profonde : celle qui nous pousse à prendre du recul, à gérer notre stress via des techniques de coaching ou des moments de méditation, simplement pour nous maintenir debout, dans la course à la rentabilité, tout en nous enjoignant à rester cool et à continuer à adhérer au mode de travail promu par l’entreprise.
À une échelle plus personnelle, vouloir sans cesse atteindre un état sans y parvenir -« Je dois débrancher, J’ai tout essayé mais cela ne marche pas »-, c’est courir le risque de nous angoisser à force de répéter des tentatives infructueuses ou de nous dévaloriser.
Or, rien ne nous oblige à être zens et calmes. Nous sommes toutes et tous animé/e/s de pulsions et d’émotions qui font partie de nous, qu’il est utile d’exprimer et qui nous font avancer. Nous ne devons pas mettre sans cesse angoisse, stress ou colère sous le boisseau, mais pouvons à certains moments profiter de leur énergie pour, par exemple, décider de quitter une personne toxique pour nous ou de changer d’emploi. Et puis, il est antinomique de se mettre la pression pour ralentir !
À nous de nous écouter et de vivre en cohérence avec notre tempérament, de trouver ce qui nous convient. Choisissons ou non de nous mettre en vacances et si nous le faisons, profitons-en, non pour chercher à débrancher ce que nous sommes, mais pour nous ouvrir à tous nos sens, nous connecter à nous-même, à ce que nous ressentons, à nos proches et au monde magique qui nous entoure.