Le clitoris n’est plus ce qu’il était

Les livres d’histoire et de sciences nous apprennent que Cristoforo Colombo a découvert les Amériques en 1492, alors que Matteo Colombo a découvert le clitoris en 1559. Quel lien à part le patronyme ? Dans les deux cas, il s’agit d’une usurpation. Le Nouveau Monde n’a pas eu besoin d’être ‘’découvert’’ pour être peuplé depuis des milliers d’années et le clitoris n’a pas eu besoin d’être ‘’découvert’’ pour permettre à des générations de femmes de connaitre le plaisir que cet organe pouvait leur procurer !

Par Armand Lequeux, professeur émérite  de sexologie à l’UCL.

La suite de l’histoire de ce ‘’bouton d’or’’ est mouvementée et pleine de contradictions. Les médecins préconisent sa stimulation précoïtale pour favoriser la fécondation avant de prendre conscience qu’ils risquent de favoriser la masturbation, péché majeur source de tous les dérèglements de l’âme et du corps. Les années passent, la masturbation est toujours diabolisée, mais les médecins en font une pratique thérapeutique pour apaiser les hystériques (Oh My God, film 2011). Les controverses et les paradoxes ne manquent pas ! Freud ne nie pas l’intérêt du plaisir clitoridien, mais considère qu’il s’agit de ‘’bois d’allumage pour permettre à la bûche du plaisir vaginal de s’enflammer’’. Certaines, comme Hite et d’autres, emportées par un féminisme outrancier, vont réagir et aller jusqu’à déclarer que la pénétration vaginale est incapable de provoquer un orgasme. Kinsey ainsi que Masters et Johnson s’efforcent de faire admettre qu’un orgasme est un orgasme et que c’est celle qui le vit qui lui donne sa signification, qu’il trouve sa source dans le clitoris ou le vagin et pourquoi pas le mamelon, l’anus, un rêve ou une extase mystique. Mais la hiérarchie de valeur a persisté jusqu’à nos jours, favorisée par les hommes qui sont si fiers de donner du plaisir avec leur seul pénis, ce qui est plus souvent un échec que ce qu’ils aimeraient croire.

Et voici qu’en une dizaine d’années quelques gynécologues et sexologues sont parvenus à redéfinir complètement l’anatomie du clitoris. Cette meilleure connaissance trouve sa source d’une part dans la chirurgie de reconstruction des femmes excisées et d’autre part dans les imageries par échographies et IRM de femmes volontaires en état d’excitation sexuelle au service de la science, avec ou sans pénétration par le partenaire. Du clitoris on connaissait le gland (0,5 cm) et le corps (3 à 4 cm), mais voici qu’apparaît sur les écrans d’imagerie médicale une importante structure interne. Les piliers composés de corps caverneux comme le corps du clitoris s’enfoncent dans le bassin féminin de part et d’autre du vagin. Ils mesurent environ 6 cm et durcissent lors de l’excitation sexuelle. Les bulbes qui mesurent 3 à 4 cm sont composés de corps spongieux comme le gland masculin, ils chevauchent l’orifice du vagin et de l’urètre. Ce devrait être la fin de la controverse entre les clitoridiennes et les vaginales. A priori, toutes les femmes sont clitoridiennes, ce qui les différencie c’est que certaines et pas d’autres sont capables, en bonus, de permettre aux structures internes de leur clitoris de les amener à l’orgasme par pénétration. Le vécu subjectif et relationnel peut être différent, mais physiologiquement il s’agit du même orgasme. Bonne nouvelle, on n’est pas obligée de vivre des orgasmes par pénétration pour être une femme épanouie dans sa sexualité. Encore une bonne nouvelle, si on le souhaite, on peut apprendre ! Le curriculum orgasmique de nombreuses femmes est là pour nous en convaincre : la pénétration est rarement jouissive au début de la vie sexuelle et peut le devenir plus tard. Heureuse surprise parfois après l’apprentissage de la maitrise de la musculature du bassin lors des exercices de revalidation périnéale en post-partum. Bien d’autres heureuses surprises sont possibles. Rassurez-vous : la sexualité féminine reste largement mystérieuse.

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