Leadership : le plein pouvoir au féminin ?

Existe-t-il un leadership au féminin ? Si oui, quelle(s) forme(s) prend-il, par qui et pour qui ? Pourquoi est-ce si difficile pour certaines femmes de prendre une place de leader ? Comment les femmes allient-elles les notions de pouvoir et de féminité ? Comment être une professionnelle aux commandes de sa carrière – voire de son entreprise – tout en restant pleinement une femme et non une caricature de ses collègues masculins ? Cinq femmes, toutes coachs au BAO Group, partagent leurs avis et leurs expériences en la matière.

Photo Mathilde Troussard  Modèles : Ana Cembrero Coca, Inès Mukundente, Nunu Truong, Emmanuelle Vincent, Carlota Ingrid Garcia, Olga Ndaya. Production réalisée chez Wiltcher’s Steigenberger, Suite Royale, 71 Avenue Louise, 1050 Brussels.

Existe-t-il un leadership au féminin ?
Par Catherine Baele, trainer-coach et spécialiste en mindfulness au BAO Group.
Si le leadership au féminin existe, nous pourrions supposer qu’il ne s’agit pas d’une question de genre, de sexe mais plutôt d’énergie féminine. Bien sûr, nous pouvons observer qu’il existe certaines différences entre hommes et femmes en terme de leadership: par exemple les hommes sont souvent plus orientés ‘stratégie’ et les femmes plus opérationnelles. Toutefois, soyons attentifs à ne pas tomber dans des clichés ou caricatures.
D’après la philosophie chinoise, l’être humain est constitué de deux principes : le principe masculin ou yang (l’action, le mouvement, le pouvoir, la pensée rationnelle) et le principe féminin ou yin (la sensibilité, l’émotion, l’intuition, l’empathie, la collaboration). Chaque homme et chaque femme portent en eux ces deux principes, l’un et l’autre plus ou moins marqué pour chacun et chacune d’entre nous, en fonction de notre culture, notre éducation, notre histoire personnelle. Dans beaucoup d’entreprises, l’énergie masculine est plus valorisée : il faut se battre, être efficace et orienté action. La compétition et la recherche de pouvoir y règnent. Certaines organisations tombent par contre dans l’excès du principe féminin: trop d’empathie amène à ne pas oser dire les choses, trop de sensibilité peut engendrer des prises de décisions irrationnelles et une difficulté à gérer sereinement les divergences de vues ou conflits.
En tant que femme leader et manager pendant plus de quinze ans avant de devenir coach, j’ai eu la chance de collaborer avec plusieurs hommes ou femmes leaders qui conciliaient très bien ces deux principes: l’écoute et l’empathie tout en étant aussi tournés vers l’action, la collaboration et la construction d’un esprit d’équipe tout en évitant de devenir naïfs, donc en restant lucides. Le juste dosage entre l’intuition et le rationnel.

Femmes et pouvoir
Par Daniëlle De Wilde, coach en leadership, conférencière et facilitatrice de rituels contemporains au BAO Group.

Mesdames, quelle est votre relation au pouvoir ?
Où vous situez- vous sur une échelle de 1 à 10, le 1 étant: «Je n’aime pas la notion de pouvoir donc je ne le recherche pas», et 10 étant «J’aime le pouvoir», avec au milieu «Je ne suis pas confortable avec la notion de pouvoir mais je sais que je dois faire avec» ?
Comparé à un bon nombre d’hommes qui s’attribuent assez rapidement un 10, peu de femmes choisissent le «J’aime le pouvoir», associant le pouvoir avec de la domination, l’oppression, l’inégalité,… le pouvoir « SUR ». Mais si on creuse plus en profondeur et qu’on les invite à envisager la notion en pouvoir « DE» – le pouvoir d’accomplir des objectifs, de réaliser une vision, d’ouvrir des possibilités,… – alors une majorité de femmes dit : oui, j’aime le pouvoir! Celui d’innover, d’exprimer, d’apporter sa pierre à l’édifice d’un monde meilleur, pour soi, sa famille, sa communauté, la Terre.
Le pouvoir « SUR » engendre l’oppression, le pouvoir « DE » active le leadership. Et il est plus que temps que les femmes lâchent leurs freins internes en matière de leadership. Temps qu’elles prennent leur juste place dans les organisations afin d’être des leaders authentiques: des personnes ayant le pouvoir de privilégier une culture d’expansion et non d’oppression, de contribuer à un monde d’interconnexion avec l’intention positive de créer une vie saine et équilibrée pour tous.
Après les événements du 11 septembre, un groupe de leaders s’est constitué : le Conseil International des Treize Grands-mères indigènes, porteuses du message que l’éveil de la conscience sera porté par les femmes pour le bien de toutes formes de vie sur cette terre. Ces dernières sont donc invitées à se rassembler dans la prise de conscience de l’importance du féminin et pour le respect des traditions ancestrales liées à la terre. La solidarité féminine, le mentorship et les cercles de femmes s’inscrivent complètement dans ce mouvement du renouveau de la spiritualité, du sens, qui secoue la société. Si nous voulons endiguer l’épidémie de mal-être et de burnout, il est plus que temps d’inventer ou de réinventer un modèle basé sur l’égalité tout en capitalisant sur les différences. Pour adoucir la société de consommation qui pousse toujours à plus de performance, de faire, les femmes – et les hommes! – sont invités à redécouvrir le féminin. «Être» (principe féminin) et non toujours «Faire» (principe masculin). Ces deux principes sont complémentaires, à chacun d’entre nous de les accueillir en son sein.

Suprématie du masculin ?
Par Fabienne Doyen, coach holistique et animatrice de cercles de femmes au BAO Group.

Tout le monde le sait : aujourd’hui encore, en Belgique et ailleurs, le monde du travail est profondément imprégné d’archaïsmes machistes.  À expérience et formation égales, les femmes sont moins payées que les hommes, et il y a nettement moins de femmes que d’hommes aux postes de direction des organisations. Pourtant, il y a des candidates : nombreuses sont les femmes prêtes à prendre plus de responsabilités, à gérer des projets importants, à gouverner, à conduire des équipes ou des entreprises. Et ce serait bien trop simple d’expliquer leur absence dans ces rôles tout simplement par une suprématie du masculin, entretenue par les hommes. Les femmes elles-mêmes se mettent des bâtons dans les roues lorsqu’il s’agit de prendre leur place de leader.
En tant que coach, j’ai régulièrement l’occasion d’accompagner des femmes qui se préparent à entrer dans des fonctions de dirigeantes : de leur propre petite entreprise, d’un projet, d’une équipe, parfois même au niveau de comités de direction. Leur principal challenge ? Comment rester fidèle à moi-même dans mon rôle de leader : une femme à part entière, avec ses valeurs et ses convictions en termes de management, et pas un clone des collègues masculins valorisés autour de moi. Face aux modèles de réussite professionnelle qui leur sont proposés, bien des femmes imaginent que la seule voie vers la prise de plus de responsabilités implique de mettre leur féminité de côté. Adopter un style vestimentaire asexué, arrêter de suivre ses intuitions, cacher sa sensibilité, cesser de chercher le consensus ou la co-création et « entrer dans la bagarre ». Lorsque le prix à payer pour occuper un rôle de pilote, c’est se perdre soi-même, la plupart des femmes renoncent.
Pourtant c’est aux femmes de casser ces clichés. C’est à elles d’oser emprunter d’autres chemins, de montrer qu’une autre forme de leadership est possible – pour les femmes comme pour les hommes. Cela a demandé à mes coachées un travail profond sur elles-mêmes, pour renforcer leur confiance en elles et surtout leur image d’elles en tant que femmes puissantes. Fini la censure et surtout l’autocritique destructrice. Chacune à sa façon a fini par développer son autorité et son charisme, avec le juste dosage d’énergie masculine et féminine. Aujourd’hui, elles prennent aisément la parole en réunion, sans chercher la compétition. Elles influencent sans vouloir avoir raison à tout prix. Elles dirigent sans coercition, se mettent au service du groupe sans s’oublier elles-mêmes. Elles utilisent leur intelligence émotionnelle pour trancher et atteindre les résultats attendus. Elles osent dire oui et non, respectent leur rythme et celui des autres. Et à leur tour, inspirent d’autres leaders, hommes ou femmes, à emprunter ce chemin dont la société actuelle a tellement besoin. C’est un privilège de les avoir accompagnées à développer leur plein pouvoir de femmes !

Un leadership accordé aux rythmes naturels
Par Ann De Wilde, creative coach au BAO Group.

Le leadership féminin est celui qui crée un environnement à dimension humaine, un peu comme un village qui naît et se développe de manière naturelle autour de la place du marché. Un lieu de rencontres, d’histoires partagées et d’échanges authentiques.
C’est un leadership patient, qui pense au niveau trans-personnel et agit au-delà de l’ego. On travaille à partir du ventre pour aider la tête à prendre les bonnes décisions. Une intelligence qui écoute ce qui sonne et résonne.
La femme a en elle la lenteur des croissances organiques. Le féminin dans la conduite d’équipes ou de projets invite à respecter le rythme de chacun et laisse l’espace pour écouter l’humain dans ses pensées, ses émotions et ses actions – et celles des autres. Il relie au lieu de diviser et préfère le dialogue au monologue. Le leadership yin s’accorde le temps de l’introspection, est empathique et soutient les relations d’égal à égal. Il est transformationnel : inspirant en période de changements, il est générateur de créativité et d’espoirs réalistes.

Don’t push with your elbows, push with your hips (Jouons du bassin au lieu de jouer des coudes, inspiré par l’intervention TED « dare to be feminine for gut’s sake » de Kaouthar Darmoni)
Par Vanessa Heytens, coach et formatrice en entreprise au BAO Group.

De mon expérience, le leadership au féminin, que ce soit dans le rôle de manager ou dans celui de collaborateur, est actuellement peu présent. Dans ma pratique de « corporate coach », je remarque trop souvent un grand frein chez ces dames à vraiment oser se montrer en tant que femme au travail. Il suffit de voir le code vestimentaire et ses restrictions.
Il y a déjà assez de rationnel, de  «brainpower» dans les organisations.  Et nos tripes ?  Et notre utérus ? Est-ce qu’en tant que  femme, nous osons nous monter dans toute la splendeur de nos hanches ? Est-ce que nous nous donnons le droit, poitrine et cœur en avant, de prendre notre place en toute confiance sans nous inquiéter d’être prise pour un objet sexuel ? Pas facile, me direz-vous… Et franchement, j’avoue que pour moi, en tant que jeune femme de 37 ans, ce n’est pas toujours facile non plus. Certains secteurs ou certains environnements ne sont pas accueillants pour la féminité.  Soit il y a plein de croyances limitantes sur l’impact sur la productivité et le chiffre d’affaire, soit il y a cet aspect tabou de la séduction. J’ai déjà dû encaisser maintes blagues que je considérais sexistes et humiliantes, ne sachant pas trop comment réagir.

Le positif est que chacun de nous, femme ou homme, peut passer à l’action dans son propre environnement de travail et laisser une vraie place à l’expression de la féminité. Heureusement les hommes commencent enfin à s’intéresser au développement de leur côté féminin en matière de management : attitude coach, communication non-violente, écoute, empathie, intuition, gentillesse acquièrent doucement
une place.

Il y a de l’espoir !

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Existe-t-il un leadership au féminin ? Si oui, quelle(s) forme(s) prend-il, par qui et pour qui ? Pourquoi est-ce si difficile pour certaines femmes de prendre une …