« Un autre monde », mais lequel ?

Parmi les films qui font sens, celui du réalisateur Stéphane Brizé donne le vertige. Le sentiment d’entrer dans la réalité qui tranche avec les flous artistiques de nos vies réinventées, bousculées, injustes et à créer. Allez voir « Un autre monde » au cinéma en participant à notre concours à la fin de cet article !

Philippe Lemesle et sa femme se séparent. La vie de ce couple s’est brisée sous la pression du travail. Cadre performant dans un groupe industriel, Philippe ne sait plus répondre aux injonctions incohérentes de sa direction. En perdant ses repères, l’ordre et la hiérarchie, le moment est venu pour lui de décider du sens de sa vie…

Vincent Lindon (couronné par le Prix du meilleur acteur au Festival de Cannes 2015 pour « La Loi du marché »), Sandrine Kiberlain, Anthony Bajon et Marie Drucker, intenses et magnifiques, portent ce long-métrage la gorge nouée, la colère rentrée.

Stéphane Brizé confie les clés de lecture du troisième volet de sa « trilogie du travail » (après « La loi du marché » et « En guerre »).

Un autre monde - film

©Cinéart

Pourquoi avoir eu le désir de raconter l’histoire de ce cadre ?

« Le film met en scène la perte de sens de la vie d’un cadre d’entreprise qui, en même temps que son mariage s’effondre, a de plus en plus de difficultés à trouver de cohérence dans un système qu’il sert pourtant depuis des années. Un système dans lequel il lui devient extrêmement compliqué d’appliquer vers le bas des injonctions venues d’en haut. De nombreux cadres nous ont raconté, à Olivier Gorce mon co-scénariste et moi-même, une vie personnelle et professionnelle à laquelle ils parviennent de moins en moins à donner de sens parce qu’on ne leur demande plus notamment de réfléchir, mais simplement d’exécuter. Nous avons voulu rendre compte des conséquences du travail de ceux qui sont considérés comme le bras armé de l’entreprise, mais qui sont simplement des individus pris entre le marteau et l’enclume. »

Sommes-nous là, avec cette histoire, dans le tragiquement banal de la vie d’un de ces cadres ?

Un autre monde - Film

©Cinéart

« Philippe Lemesle, le personnage principal du film, évolue à l’endroit victorieux de notre civilisation moderne, le lieu de la méritocratie, le lieu de ce qu’on appelle classiquement “une belle réussite”. Comment dire que l’on a mal quand on fait partie de l’élite sociale ? Se plaindre serait à la fois indécent au regard des plus modestes en même temps que le signe d’une faiblesse. Sentiment insupportable au regard de ses pairs. Sentiment insupportable au regard de soi-même. A cet endroit du monde, on ne peut pas, on ne doit pas être fragile. Interdit sous peine de déclassement et de remplacement par un plus jeune et plus dynamique que soi ou un autre qui ne discuterait pas ce qu’on lui demande de faire. Un endroit du monde de grande solitude où l’on n’a peut-être plus le choix. C’est la question de la liberté personnelle qui est aussi abordée. »

Et c’est elle que l’on gardera à l’esprit tout au long du visionnage de cette claque cinématographique.

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Cet article a été écrit en étroite collaboration avec Cinéart.

www.cineart.be

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