Forte d’une communauté de plus de 300.000 abonnés, la chaîne Youtube belge « Would you react ? » diffuse régulièrement des caméras cachées pour sensibiliser le public à différentes problématiques : la séropositivité, le harcèlement scolaire, l’homophobie, la différence d’âge dans les couples… Cet été, l’équipe s’est attaquée au harcèlement des femmes dans les transports en commun.
Par Christiane Thiry, rédactrice en chef
En mettant en scène une jeune actrice harcelée par deux hommes complices et en filmant la réaction des témoins en caméra cachée. Interpellée sur son habillement, complimentée sur son physique, la jeune femme reste muette et détourne le regard, feignant ne rien entendre. Les faux agresseurs haussent alors le ton et l’insultent. Et malheureusement, presqu’aucun homme ne réagit. Seules des femmes ont pris la défense de la femme importunée, prêtes à assurer sa sécurité jusqu’à son domicile. Interrogées en fin de vidéo, celles-ci expliquent l’avoir fait parce qu’elles ont été elles-mêmes victimes de ce type de comportements abusifs. Les concepteurs de la vidéo soutiennent que la première personne à s’interposer est généralement cruciale parce qu’elle déclenche des réactions de protection en cascades.
Chez nos voisins, France 5 a diffusé début décembre 2016 Harcèlement sexuel, le fléau silencieux, un documentaire d’Olivier Pighetti qui suit le combat de quatre femmes harcelées sexuellement pour que la justice ne classe pas leur dossier sans suite. Notamment celui de Gwenaëlle, 25 ans, chez qui le simple fait de passer en voiture devant son ancien lieu de travail déclenche une crise de panique. Rien n’a en effet guéri la blessure laissée par les remarques vulgaires et les avances salaces de son ex-patron. Selon certains psychiatres, explique le commentaire, le traumatisme des victimes de harcèlement sexuel serait comparable aux dégâts psychiques provoqués par un viol. L’impression d’être un objet, le dégoût, le sentiment de culpabilité, l’incompréhension… Écouter le récit de ces quatre femmes, c’est mesurer leur courage et la difficulté d’un combat mené contre la tentation du repli sur soi et la loi du silence.
En avril dernier, une campagne originale et surprenante a été lancée contre le harcèlement sexuel dans la capitale du Mexique. Dans le métro, un siège reproduit les contours du corps masculin, pénis compris. «Il est ennuyeux de voyager ici mais cela n’est rien comparé à la violence sexuelle que les femmes subissent dans leurs trajets quotidiens », indique ainsi un écriteau en face du siège. Cette campagne, diffusée dans une vidéo sur Internet, a été partagée des millions de fois sur Twitter.
C’est un cri général qui s’est de même exprimé le 21 août sur les réseaux sociaux, pour dénoncer l’agression sexuelle d’une jeune fille handicapée dans un bus à Casablanca.
Vidéos, campagne et documentaire ont le mérite de susciter le débat et de montrer l’ampleur de ce que peut être un harcèlement quotidien. Car, même si les armes employées ne sont souvent « que » des mots, la douleur intérieure est puissante. Il s’agit dans tous les cas de propos, d’actes, de gestes qui humilient et dégradent.
Alors, comment une femme peut-elle croire en soi, comme nous le propose le dossier du mois, quand elle est en permanence avilie en rue ou dans les transports en commun par des propos sexistes ? Comment peut-elle avoir de l’estime pour elle-même quand films et publicités ne diffusent de la femme qu’une image d’objet sexuel soumis à consommer ? Comment peut-elle augmenter sa confiance en elle quand, à travail égal, elle gagne moins que son équivalent masculin ? Et que les fonctions dites « dirigeantes » restent concentrées dans les mains des hommes ? Comment, enfin, une femme peut-elle croire en son potentiel et en son avenir quand, dans sa vie de couple, elle continue au quotidien à assumer la majorité des tâches ménagères ?
Et si nous profitions de cette rentrée pour réagir ? Pour que, dans la foulée du Royaume-Uni qui vient d’obliger les entreprises à rendre publics les écarts de salaires entre hommes et femmes, même s’ils sont moins importants chez nous, nous les dénoncions pour les réduire ? Et si nous décidions de nous mobiliser toutes et tous contre le harcèlement, de rendre hommage au combat des femmes pour le respect de leurs droits, de partager en couple toutes les tâches domestiques et d’encourager l’égalité des chances sous toutes ses formes ?