Le poing sur la table, la chronique de Diane Drory

L’hiver n’a pas encore tourné le dos que déjà nombre d’entre nous rêvent de retrouver un visage coloré de lumière et de grand air. Si certain(e)s brillent de l’éclat de leurs 20, 30 ou 40 ans, d’autres s’inquiètent de rides naissantes ou déjà installées. Serait-il interdit de signer de notre visage le temps qui passe ? Savons-nous rester indifférents aux diktats d’exigence d’une beauté lisse, d’un corps sans trace d’âge?

Il est vrai que la première fois que la marque du temps vous est signifiée, cela interpelle. Ainsi, il y a quelques années, une de mes petites-filles, se glissant derrière ma chaise, demanda d’une voix claire : “Dis Mutsi, pourquoi as-tu tous ces plis près des oreilles?” Silence poli à l’alentour… “Parce que je suis ta grand-mère”, fut la seule réponse que je trouvai.

Les miroirs sont des reflets de plus en plus sollicités. Une enseignante d’art a proposé à ses élèves de ne pas se regarder une seule fois dans un miroir pendant 24h. Ni devant le lavabo, ni dans la vitrine d’un magasin, ni en cherchant furtivement son reflet sur la carrosserie d’une voiture. Cette consigne a permis à ses élèves de réaliser combien il est difficile, de nos jours, de ne pas sans cesse observer son image. Tant sévit cette sensation inconsciente d’avoir à se conformer aux canons actuels de la beauté. Sous peine de rejet ou de critiques. Rappelons-nous comment après l’inauguration de Mons ville culturelle, des photos, dénonçant la naissance d’une ride, poussèrent certains medias à avoir le mauvais goût de conseiller à notre reine Mathilde un lifting du visage. Ce véhicule de notre « Moi » qu’est le corps, pourquoi s’acharner à le soumettre à la tyrannie d’être sans reproche?

Écho d’un jeune : « Les mannequins, c’est de la chair fraîche dont se sert la mode ». Dur mais pas idiot. Grâce à l’engouement pour la chirurgie plastique, le marché de la beauté permet de faire du “chiffre” plus que juteux. À quand la vente de morceaux de corps: la bouche de… les jambes de…. les fesses de… ? Et ce jeune garçon d’énoncer son espoir que l’humain pose, un jour, son regard sur la “beauté poétique”.

Ce regard, j’ai eu la chance de le rencontrer dans les yeux du petit Arthur, âgé de 6 ans, vers lequel je me penchais pour lui souhaiter le bonsoir. Prenant mon visage entre ses mains, il déclara :  “Tu sais Mutsi, quand tu me souris, les lignes sur ta figure te rendent encore plus belle.” Suite à cet aveu, j’ai définitivement décidé d’oser mes rides et de les aimer, sans décrier le temps qui passe et laisse ses traces.

Acceptons-le : notre corps vit sa vie sans nous demander notre avis.